INTRODUCTION


La santé du travailleur et la protection de son intégrité physique sont devenues depuis quelques années des préoccupations importantes pour le droit social.
Néanmoins, l’actualité nous rappelle, avec les affaires de l’amiante et l’explosion de l’usine AZF à Toulouse que la protection de l’intégrité physique du travailleur n’est toujours pas une chose acquise. D’autant que les progrès faits par la législation française sont souvent dus aux directives communautaires et à la législation européenne.
Ainsi comme le dit PY Verkindt (droit ouvrier mars 2003 p82) « le fait qu’un chemin important ait été parcouru en matière de protection de l’intégrité physique du travailleur ne justifie pas un optimisme béat »
Le décor est planté ; la protection de l’intégrité physique est encore d’actualité et les progrès en la matière ne cessent pas puisque cela fait seulement trois ans que le code du travail protège officiellement la santé mentale du travailleur.
Or, l’intégrité physique est un sujet vaste. En effet, il n’existe pas de définition réelle de ce terme en droit. Par intégrité, le dictionnaire entendra « l’état d’une chose qui a toutes ses parties, qui n’a pas subi d’altération ».
Il faut se référer au droit pénal qui protège l’intégrité physique et psychique de l’individu sans pour autant définir le terme « intégrité. » De même la charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne affirme en son article 3 que « toute personne a droit à son intégrité physique et mentale » ; il s’agit donc d’un droit fondamental.
On comprend alors qu’il s’agit d’un point de vue général de la santé au sens large de l’individu c'est-à-dire la santé aussi bien physique que mentale.
On sait que l’OMS (organisation mondiale de la santé) définit la santé comme « tout état de complet bien être physique, mental, et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».
Par conséquent, on entendra par intégrité physique du travailleur tout ce qui est relatif à sa santé (telle que définit par l’OMS c'est-à-dire aussi bien physique que mentale) à sa sécurité et à ses conditions de travail.

Quant à la protection, on la distingue parfois de la prévention. La prévention serait « l’ensemble des actions qui permet au monde du travail de connaître les solutions techniques et organisations nouvelles et de modifier les attitudes et les comportements en vue de la maîtrise des risques » et la protection, les mesures concrètes visant à protéger les salariés des risques. On rapprochera cependant les deux notions qui sont sensiblement proches.
D’une manière générale la prise en compte de la santé et de la sécurité au travail est une préoccupation ancienne des pouvoirs publics puisque la législation en matière d’hygiène et de sécurité au travail s’est développée à partir du 19ème siècle avec l’arrivée de la révolution industrielle. A l’époque, on prend conscience des sinistres conditions de travail des ouvriers et on décide de réagir notamment avec la loi du 22 mars 1841 relative au travail des enfants.
En effet, les premières mesures relatives à la protection de l’intégrité physique des travailleurs visent surtout les enfants et les femmes.
C’est une loi du 12 juin 1893 qui va étendre le champ de protection à toutes les catégories de salariés.
Cette loi sera la première loi qui traite véritablement de l’hygiène et de la sécurité au travail puisqu’il est question des modalités de déclaration des accidents du travail, des différentes mesures d’hygiène et de protection qui devront être prises dans les usines, manufactures, fabriques, ateliers et chantiers.
Dans la continuité, un décret du 10 juillet 1913 fixe les mesures d’hygiène, de sécurité et de prévention des incendies dans les locaux de travail.
Mais le plus grand progrès en matière de protection de l’intégrité physique reste tout de même la loi du 9 avril 1898 posant le principe de responsabilité systématique de l’employeur pour les accidents survenus dans son entreprise.
La protection continuera de s’améliorer dans les années 60-70. Avec la naissance en 1973 de l’ANACT (agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail).On développe également, le concept de sécurité intégrée qui consiste à intégrer la sécurité dans le processus de production.
En 1977, est créé le fonds d’amélioration des conditions de travail(FACT) qui permet d’attribuer une aise financière aux entreprises mettant en œuvre des opérations innovantes sur les situations de travail.
Cependant, il faudra attendre les lois Auroux de 1982 pour associer le salarié à la protection de sa santé et de sa sécurité.
Ainsi, la loi du 4 août 1982 introduit le droit à une expression directe et collective des salariés sur le contenu et l’organisation du travail.
La loi du 23 décembre 1982 élargit le rôle des CHS aux conditions de travail créant ainsi les actuels CHSCT. Mais surtout, elle permettra aux salariés de se retirer d’une situation de travail qui présente un danger grave et imminent.
Par ailleurs, il parait clair que le droit européen a joué une grande influence pour la protection des travailleurs français.
Rappelons que la directive cadre du 12 juin 1989(n°89/391) fixe les mesures à mettre en œuvre pour promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé au travail, en renvoyant à des directives particulières le soin de fixer des dispositions plus précises.
Cette directive sera transposée en droit français par la loi du 31 décembre 1991 n° 1414 instaurant l’obligation pour le chef d’entreprise d’élaborer et de mettre en place une démarche globale de prévention.
Enfin, les derniers progrès en matière de protection de l’intégrité physique des travailleurs sont sans doute la création d’un document unique sur l’évaluation des risques dans l’entreprise à la suite d’un décret du 5 novembre 2001 et la consécration dans le code du travail du concept de santé mentale grâce à la loi de modernisation sociale de 2002.
On l’a vu, de nombreux progrès ont été faits en matière de protection de la santé et de la sécurité du travailleur. Néanmoins, ces progrès restent assez récents datant pour la plupart des vingt dernières années.
Aujourd’hui la législation du travail semble prévoir une réglementation complète pour assurer une protection efficace des salariés français. Or il ne s’agit la que d’une supposition puisque plusieurs évènements récents cités précédemment apportent le preuve contraire.

C’est pourquoi on peut s’intéresser au fait de savoir si aujourd’hui, le droit du travail français apporte une protection suffisante de l’intégrité physique des travailleurs ?
Pour répondre à cette question, nous étudierons en premier lieu les principaux risques auxquels est exposé le salarié pour ensuite déterminer si les obligations de l’employeur et la participation du salarié quant à la protection de la santé et la sécurité du travailleur sont suffisantes.



CHAPITRE PRELEMINAIRE : LES GRANDS RISQUES AFFECTANT L’INTEGRITE PHYSIQUE DU SALARIE

Il s’agit ici d’évoquer les risques auxquels est fréquemment exposé le salarié au sein de l’entreprise mais qui ne sont pas pour autant connu.
L’énumération de ces risques permettra d’avoir un certain aspect pratique de la question de l’intégrité physique et de mieux comprendre en quoi la protection de cette intégrité peut être plus efficace.
On citera ainsi le bruit, le stress, le tabac, l’alcool, les troubles musculosquelettiques, le travail écran, l’amiante ou encore le harcèlement moral.
On distinguera alors les risques affectant la santé physique de ceux affectant la santé mentale.

I. LES RISQUES AFFECTANT LA SANTE PHYSIQUE

On a choisi d’exposer ici quelques risques peu cités portant atteinte quotidiennement et dans toute entreprise à la santé physique des travailleurs.

A. LE BRUIT ET LA PROTECTION CONTRE LE BRUIT

Le bruit est une nuisance mais également une menace grave pour la santé.
Il est en relation directe avec le travailleur qui est exposé au bruit quelque soit sa qualité. Il peut s’agir de bruit d’imprimante, d’ordinateur ou tout simplement de conversations ou encore de machines, d’engins, et d’outils de toute sorte. L’exposition est encore plus forte pour les salariés du bâtiment qui sont exposés quotidiennement et plus lourdement au bruit.
Le décret n° 88-405 du 21 avril 1988 relatif à la protection des travailleurs contre le bruit oblige l’employeur à réduire le bruit au niveau le plus bas raisonnablement possible, compte tenu de l’état des techniques. Cette obligation est prévue par l’article R232-87 du code du travail. L’alinéa 2 ajoute que « l’exposition au bruit doit demeurer à un niveau compatible avec la santé des travailleurs, notamment avec la protection de l’ouïe ».
Toute une section du code du travail dans le chapitre hygiène et sécurité est d’ailleurs consacrée à « la prévention des risques dus au bruit ». La réglementation impose donc un contrôle de l’exposé au bruit et des mesures de protection.

Plus de 7% des salariés sont exposés à des bruits nocifs. Les bruits nocifs sont ceux susceptibles de porter atteinte au système auditif.
Ces bruits nocifs se rencontrent plus dans les grandes entreprises et en particulier chez les hommes (souvent parce qu’il y a plus d’hommes dans le bâtiment).De même, les intérimaires sont trois fois plus exposés que la moyenne (beaucoup d’intérimaires dans le BTP).
Alors qu’une protection efficace permettrait de sauvegarder l’audition, 32% des personnes exposées aux bruits nocifs n’ont pas de protection à leur disposition. Souvent les petits établissements sont les moins protégés.
Depuis 1963, la surdité professionnelle est reconnue comme maladie professionnelle. Cette surdité ne devient perceptible et gênante pour le salarié qu’après plusieurs années d’exposition.
Si le bruit au travail n’entraîne pas forcément une surdité, il entraîne quotidiennement des difficultés de communication orale dans l’entreprise. De même, il peut augmenter le nombre d’accident du travail dans l’entreprise ou encore être source de fatigue ou de stress.
La prévention des risques dus au bruit est prévue par le code du travail. L’article R232-8-1 prévoit que l’employeur doit procéder à une estimation du bruit subi pendant le travail. Les opérations de mesure du bruit doivent être effectuées tous les trois ans et ont pour but de définir les salariés qui sont le plus exposés au bruit.
Un travailleur ne peut être exposé à des travaux comportant une exposition quotidienne supérieure ou égale à 85dB (A) que s’il a fait l’objet d’un examen préalable par le médecin du travail et qu’il ne présente pas de contre indication médicales. Si le niveau sonore est supérieur ou égal à 85dB (A), l’employeur doit prévoir des mesures de protections individuelles. Les protecteurs individuels doivent être fournis gratuitement au salarié. Les modèles non jetables sont entretenus à la charge de l’employeur.
Si malgré toutes les mesures de protection, il n’est pas possible de réduire le bruit à un niveau inférieur à 85dB (A), l’employeur peut demander une dérogation à l’inspection du travail pour une durée maximale de trois ans.
Quand le salarié est exposé aux bruits nocifs il reçoit une formation et une information avec la participation du médecin du travail.

Il également fréquent que le travailleur soit exposé au tabac dans l’entreprise.


B. LE TABAC, UN RISQUE POUR L’INTEGRITE PHYSIQUE

La loi Evin pose un principe général d’interdiction de fumer dans les lieux publics.
Dans l’entreprise, l’employeur établit après consultation du médecin du travail et du CHSCT un plan d’aménagement des espaces qui peuvent être réservés aux fumeurs.
On a déjà vu des salariés exercer leur droit de retrait à cause du tabagisme subi du fait de leurs collègues.
Or le tabac dans l’entreprise pose problème dans la mesure où, l’employeur, s’il pose une interdiction totale et générale de fumer, pourrait se voir opposer l’article L120-2 CT selon lequel « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tache à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
Fumer constitue en effet une liberté individuelle.
Pourtant le code du travail prévoit bien que chaque salarié doit prendre soin de sa santé ainsi que de celle « des autres personnes concernées du fait de ces actes ou de ses omissions au travail » (L230-3 CT)
Ainsi le Conseil d’Etat juge que les mesures prises par l’employeur quant à l’interdiction de fumer dans l’entreprise doivent figurer dans le règlement intérieur et que par conséquent elles sont soumises à la consultation du comité d’entreprise et au contrôle de l’inspecteur du travail.

Un autre risque auquel peut être exposé le salarié qui est toutefois extérieur à l’entreprise mais que peut se produire en son sein c’est l’alcool.

C. L’ALCOOL AU TRAVAIL

L’article L232-2 du code du travail datant de 1918 régit l’introduction d’alcool dans l’entreprise.
Or cet article ne pose pas d’interdiction générale mais une interdiction limitative laissant ainsi aux travailleurs la possibilité d’introduire dans l’entreprise du vin, de la bière, du cidre ou encore du poiré et de l’hydromel.
Ainsi, on peut s’étonner d’un tel laxisme de la part de la législation du travail sachant que la consommation d’alcool est dangereuse pour la santé mais que la consommation par un salarié peut également l’être pour la santé de ses collègues.
Comment alors protéger la santé du travailleur dans ces conditions?
Rassurons nous, les boissons énoncées par l’article L232-2 CT ne peuvent normalement être consommées que pendant les repas ou dans le cadre de rencontres amicales entre collègues sur les lieux de travail.
On ne peut dans ce contexte que regretter l’exclusion faite par le législateur de 1918 du champagne, le salarié devant se contenter de vin ou de bière !
Il nous parait en effet tout à fait évident que l’on ne peut opter pour une telle limitation : soit on pose une interdiction totale d’alcool dans l’entreprise, soit on ne limite pas la liste puisque les boissons autorisées ne sont pas pour autant les moins fortes en degrés d’alcool.
Or le code du travail pose bien une interdiction absolue pour « toute personne ayant autorité sur les ouvriers et employés de laisser introduire ou de laisser distribuer dans les établissements […] toutes boissons alcooliques » sauf celles précitées.
De plus le recours à l’alcootest n’a été autorisé par la chambre sociale ( Soc, 22 mai 02, n° 99-45-878) que dans le cas où le travail serait de nature à exposer les personnes et les biens à un danger. Le recours à l’alcootest ne peut être systématique.
Dans ce cas comment l’employeur peut-il satisfaire à son obligation de sécurité de résultat ? Et comment le salarié peut il prendre soin de sa santé et de celle des autres travailleurs comme le prévoit l’article L230-3 CT ?
N’y a-t-il pas une incohérence dans les textes ?
Où tout simplement l’alcool n’est-il peut être pas perçu comme un risque ou un danger au même titre que le bruit par exemple. Mais si on prend le cas d’un conducteur d’engins, ne porte t-il pas atteinte à l’intégrité physique de ses collègues s’il écrase un travailleur sur un chantier ou un ouvrier du fait des effets de l’alcool ou une personne qui manipule mal un marteau piqueur et qui heurte le pied d’un autre travailleur ?
Encore une fois l’employeur qui souhaiterait interdire l’alcool de manière absolue dans son entreprise se heurterait aux dispositions de l’article L122-35 CT et de l’article L120-2 CT.
De même pour l’employeur qui déciderait de fouiller ses salariés.
Or ce qui est pire c’est que le code du travail prévoit une sanction pénale à l’article L263-2 CT visant « les chefs d’établissements, directeurs, gérants » pour toute violation de l’article L232-2 CT.
Toutefois selon l’alinéa 2 de cet article, la personne en état d’ébriété doit être exclue de l’entreprise, l’article interdisant d’y « laisser enter ou séjourner […] des personnes en état d’ivresse »
Cependant, la contradiction des textes laisse sous entendre une protection très abstraite en matière d’alcoolisme dans l’entreprise.

Les troubles musculosquelettiques (TMS) sont certainement les risques les plus graves qui frappent le travailleur d’aujourd’hui.

D LES TROUBLES MUSCULOSQUELETTIQUES

Les TMS sont la première cause de maladie professionnelle en France et dans beaucoup d’autres pays européens. Ces affections se manifestent par une douleur et une gêne dans les mouvements pouvant entraîner un handicap sérieux dans la vie professionnelle et dans la vie privée.
Les causes de cette épidémie sont souvent dues à une dégradation des conditions de travail.

Aspect pratique : les responsables sanitaires ont décidé de lancer, en 2002, un programme pilote dans les Pays de la Loire, afin de mieux connaître l’épidémiologie des TMS, les moyens de les détecter et de les prévenir.
Globalement, dans la tranche d’âge des 20-59 ans des personnes soumises à l’enquête, on détecte un cas pour 1000 habitants environ. La maladie augment avec l’âge et est deux fois plus fréquente chez les femmes que chez les hommes.

Par ailleurs,le travail sur écran est peut être le deuxième risque le plus développé aujourd’hui.

E. LE TRAVAIL SUR ECRAN ET SON IMPACT SUR LA SANTE DU TRAVAILLEUR

La directive européenne 90/270/CEE du 29 mai 1990 a édicté certaines prescriptions minimales en faveur des travailleurs utilisant de façon habituelle et pendant une partie non négligeable du temps de travail les ordinateurs et ce en posture assise. Cette directive a été transcrite en droit français par le décret n°91-451 du 14 mai 1991.
L’employeur doit analyser les risques de chaque poste et prendre les mesures nécessaires.
Le chef d’entreprise doit chercher du matériel adapté à la tache à accomplir et de bonne qualité afin de préserver au mieux la santé du salarié.
Tout travailleur affecté à des travaux de visualisation doit faire l’objet d’un examen préalable puis périodique des yeux et de la vue par le médecin du travail.
Si le salarié doit recevoir des dispositifs de correction dus au travail sur écran, ces dispositifs sont à la charge de l’employeur.
Enfin le dernier risque pour l’intégrité physique que l’on exposera est certainement le plus célèbre et représente la plus grande catastrophe en matière de santé au travail de ces dernières années ; il s’agit de l’amiante.

F. L’AMIANTE

C’est «grâce» au problème de l’amiante si l’on peut s’exprimer ainsi que la jurisprudence a posé à l’encontre de l’employeur une obligation de sécurité de résultat envers ses salariés.
Le problème de l’amiante est malheureusement toujours d’actualité.
C’est l’accumulation des fibres d’amiante dans l’organisme qui est dangereuse et qui peut être responsable de pathologies graves.
L’amiante est certainement l’exemple le plus probant quant aux insuffisances de la protection de l’intégrité physique des travailleurs.

On a ici énuméré quelques risques portant atteinte à la santé physique du salarié mais depuis 2002 la législation du travail reconnaît la santé mentale du travailleur c’est pourquoi on s’attardera en second lieu sur les risques portant atteinte à la santé mentale du travailleur.

II LES RISQUES AFFECTANT LA SANTE MENTALE DU TRAVAILLEUR

On exposera ici les deux principaux risques auxquels la santé mentale du travailleur peut être exposée. Ces deux risques sont souvent confondus et bien qu’ils soient liés, ils restent différents l’un de l’autre.
Il s’agit du stress et du harcèlement moral.
La prise en compte de la santé mentale n’est que récente puisqu’elle date de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 même si en pratique la jurisprudence tenait compte depuis longtemps du facteur de santé mentale.
Pour PY Verkindt, la récente consécration de la santé mentale « ne signifie nullement que la santé mentale était ignorée par le droit social » ( semaine sociale Lamy 3/03/03 n°1112)
Néanmoins c’est bien la loi de 2002 qui permet au harcèlement moral de faire son apparition dans le code du travail à l’article L122-49.

A. LE STRESS
Pour
l’agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, la stress survient « lorsqu’il y a un déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes imposées par son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face »
Bien que le stress au travail ne soit pas un phénomène nouveau, la prise de conscience concernant ce risque l’est toutefois. Les partenaires sociaux représentatifs au niveau européen ont ainsi ratifié fin 2004, un accord cadre dont l’objectif est de s’attaquer au stress au travail afin d’améliorer le bien être des travailleurs et l’efficacité des entreprises. Certains auteurs parlent également, « d’épuisement mental ».
Le stress touche toute les catégories de salariés, aussi bien l’employé, le cadre ou le dirigeant.
Les causes de stress au travail sont multiples mais on peut les classer en quatre catégories comme le fait le Dr Legéron.
On a d’abord le stress du à la charge de travail, le stress du aux incertitudes du salarié quant à l’organisation de son emploi ou de l’entreprise, le stress du aux frustrations du travailleur et enfin le stress du aux relations de travail « l’homme est un stresseur pour l’homme »
Malheureusement, comme le dit le Dr Legéron(droit social décembre 2004 p1089), le stress est encore « un sujet tabou dans le monde du travail ».
Afin de diminuer ce phénomène, il est indispensable d’évaluer le stress du salarié, sa nature et son importance. « Pour le BIT, les interventions pour réduire le stress au travail doivent être primaires (réduction des sources de stress), secondaires(aider les individus à développer des compétences à faire face au stress), et tertiaires(prendre en charge les individus affectés au stress) », affirme le Dr Legéron.
Or il semble que la personne la mieux à même pour faire cela soit bel et bien l’employeur car le médecin du travail ne peut pas faire cesser le stress de manière directe.
Toutefois, bon nombre d’employeurs pratiquent encore aujourd’hui la politique de l’autruche face à la détresse de leur salarié.
L’apparition en 2002 du concept de santé mentale en droit du travail aurait pu améliorer les choses, mais ce n’est pas le cas.

B LE HARCELEMENT MORAL

Le harcèlement moral consiste en des agissements répétés « ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits ou à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel »
Si le phénomène de harcèlement moral est nouveau dans le code du travail, ce n’est pas un phénomène nouveau dans l’entreprise ; au contraire il est souvent subi par le salarié, qui se considérant comme victime, préfèrera cacher la situation. Bien que la notion de harcèlement moral ait tendance, depuis 2002, à être invoquée dans beaucoup de contentieux, on notera tout de même qu’une décision du TASS des Vosges du 28 février 2000 reconnaît qu’une tentative de suicide consécutive à un harcèlement moral au travail constitue un accident du travail.
La preuve du harcélement moral incombe aux deux parties. Le salarié qui s’en prétend victime devra établir les faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.
Si le phénomène de harcèlement moral est fréquent dans l’entreprise, on regrettera toutefois, l’usage abusif qui en est fait devant les juridictions du travail.



CHAPITRE 1 : LA PROTECTION DE L’INTEGRITE PHYSIQUE DU TRAVAILLEUR AU SEIN DE L’ENTREPRISE

SECTION I : LES OBLIGATIONS DU CHEF D’ETABLISSEMENT

Les obligations du chef d’entreprise, en matière de sécurité, sont essentiellement de trois ordres. En effet, le chef d’entreprise doit en premier lieu respecter les principes généraux de prévention, établir un règlement intérieur et enfin mettre en place une formation à la sécurité.

I. LE RESPECT DES PRINCIPES GENERAUX DE LA PREVENTION

L’employeur a certaines obligations à respecter afin de garantir la protection du travailleur. On distinguera ici les principes généraux de prévention qui sont à respecter au sein même de l’entreprise et cas d’intervention d’une entreprise extérieure.

A. AU SEIN DE L’ENTREPRISE

La réglementation en matière d’hygiène et de sécurité ne peut en aucun cas, prendre en compte tous les cas de figure, étant donné l’extrême diversité des situations de travail rencontrées. Afin de remédier à ce problème, une directive communautaire santé et sécurité du travail n°89/391/CEE du 12 juin 1989 a fixé un ensemble de principes généraux de prévention à respecter par le chef d’établissement. La transcription de la directive en droit interne s’est faite à travers la loi n° 91-1414 du 31 décembre 1991 relative aux obligations de l’employeur et du salarié en matière de sécurité.

Ces principes généraux de prévention ne fixent pas de prescriptions techniques concrètes mais des objectifs de prévention et de protection. C’est ensuite à l’employeur de prendre à son initiative les mesures nécessaires pour les respecter. L’article L 230-2 du Code du travail énumère ainsi diverses obligations pesant sur l’employeur.
Le chef d’établissement a donc une obligation générale de sécurité envers les travailleurs. L’employeur est soumis à une obligation de résultat. Il est tenu d’assurer la sécurité et la santé physique et mentale de ses salariés. Il ne peut se contenter d’affirmer qu’il a mis tous les moyens pour atteindre cet objectif.

Le chef d’établissement a enfin l’obligation d’évaluer les risques professionnels dans le but de mettre en œuvre des actions correctives (article 230 - 2 du code du travail). Depuis le décret n° 2001-1016 du 5 novembre 2001(art R 230-1 du code du travail), un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l’entreprise ou de l’établissement et les résultats de cette évaluation doivent être transcrits et mis à jour dans un document unique. La mise à jour est effectuée périodiquement au moins chaque année ainsi que ponctuellement lors de toute décision d’aménagement important modifiant les conditions d’hygiène et de sécurité ou les conditions de travail ou lorsqu’une information supplémentaire concernant l’évaluation d’un risque dans une unité de travail est recueillie. Ce document est tenu à la disposition du CHSCT, des délégués du personnel ou, à défaut, des personnes soumises à un risque pour leur sécurité ou leur santé, ainsi que le médecin du travail. Il est également tenu, sur leur demande, à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail ou des agents de services de prévention de la CRAM et des organismes professionnels d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, constitués dans les branches d’activités à haut risque. Cette transcription des résultats de l’évaluation des risques est utilisée pour l’établissement du rapport écrit faisant bilan de la situation générale de l’hygiène et de la sécurité et des conditions de travail du programme annuel de prévention des risques prévues à l’article L 236-4 du code du travail. Le fait de ne pas transcrire ou de ne pas mettre à jour ce document est puni de la peine d’amende prévue pour les contraventions de cinquième classe et le double en cas de récidive.

Les dispositions de la circulaire DRT n°6, 18 avril 2002 du ministère de l’emploi précise les démarches à suivre par le chef d’établissement afin de formaliser ce document.
Il faut tout d’abord que le chef d’entreprise prépare la démarche d’évaluation en faisant appelle aux acteurs internes et externes en matière de prévention des risques professionnels.
Il doit évaluer les risques de manière exhaustive et globale.
Il doit élaborer un programme d’action de prévention afin de faire face aux risques professionnels identifiés.
Il doit mettre en œuvre ces actions de prévention, en mettant en place des formations, en informant les salariés de l’entreprise, en modifiant l’organisation du travail.
Enfin, l’employeur doit réévaluer les risques une fois par an ou lorsque des changements techniques et organisationnels sont susceptibles de générer de nouveaux risques.

Enfin, le chef d’établissement devra à travers les actions mises en œuvres respecter certains principes généraux tels que: -l’obligation de formation à la sécurité d’information en prenant en considération les capacités du travailleurs.
-L’obligation de concevoir une organisation du travail préservant la santé et la sécurité des travailleurs par le choix de moyens adaptés.
-L’obligation de prendre des mesures de protection collective. Les protections individuelles ne doivent cependant être utilisées en complément des protections collectives, ou à défaut de protection collective efficace.

Le chef d’établissement devra donc veiller dans le cadre de la fonction de sécurité du travail à mettre en œuvre un système de management de la sécurité respectant ces différentes contraintes

L’employeur est donc tenu d’une obligation de résultat en matière de sécurité. Ceci permet de renforcer la protection physique des travailleurs.

Mais l’analyse des risques est elle indispensable ? Puisque l’employeur sera toujours tenu par son obligation de résultat en matière d’hygiène et de sécurité à l’égard des salariés.
On peut penser que oui, car elle permettra justement à l’employeur d’exécuter au mieux son obligation. De plus, cette analyse du risque traduit la politique actuelle en matière de protection de la santé des travailleurs c'est-à-dire, améliorer la prévention pour assurer une meilleure protection.

Voyons maintenant les principes de prévention qui sont à respecter par l’employeur en cas d’intervention d’une entreprise extérieure.

B. EN CAS D’INTERVENTION D’ENTREPRISE EXTERIEURE

Toute entreprise est amenée à sous-traiter des travaux au sein même de son établissement (travaux de plomberie, maintenance…). L'intervention, même très ponctuelle, d'une entreprise extérieure engage la responsabilité du chef d'établissement au niveau de la sécurité des personnes qui travailleront sur son site. La réglementation, dans ce domaine, est basée sur le décret 92-158 du 20 février 1992 qui traite des conditions d'hygiène et sécurité lors d'interventions d'entreprises extérieures.

Certaines activités sont exclues du champ d'application du décret :
- les chantiers de bâtiments clos et indépendants (situés à l'intérieur du périmètre d'un établissement en activité),
- les travaux de construction et de réparation navale,
- les opérations de chargement et de déchargement (voir arrêté du 26/04/96),
- les opérations de bâtiment et de génie civil (voir loi du 31/12/93 et circulaire DRT N° 96-5 du 10/04/96).

Par "entreprise extérieure", on entend "toute entreprise, juridiquement indépendante de l'entreprise utilisatrice amenée à faire travailler son personnel (travaux ou prestation de services) ponctuellement ou en permanence dans les locaux de l'entreprise utilisatrice qu'il y ait ou non une relation contractuelle entre l'entreprise utilisatrice et cette entreprise. Cette entreprise peut être une entreprise intervenante ou sous-traitante".

L'entreprise utilisatrice est quant à elle une entreprise "d'accueil" qui utilise les services d'entreprises extérieures.

Les deux entreprises doivent organiser une réunion commune à laquelle vont participer les membres intervenant dans les travaux de l'entreprise extérieure et de l'entreprise utilisatrice, ainsi que les CHSCT des deux entreprises et s'il y en a, les entreprises sous-traitantes. Il doivent inspecter ensemble les lieux de travail, les installations et le matériel mis à la disposition de l'entreprise extérieure. Le but de cette inspection est l'analyse des risques liés à l'interférence entre activités, matériels et installations, et un échange d'informations nécessaires à la prévention.

Ils doivent également élaborer un plan de prévention.
- si l'opération représente un nombre d'heures total de travail prévisible supérieur ou égal à 400 heures sur une période égale au plus à 12 mois
- si l'opération implique des travaux figurant sur la liste des travaux dangereux (liste de l'arrêté du 19/03/93) et ce quelque soit le nombre d'heures.

Le but de ce plan de prévention est la définition de mesures de prévention à prendre par chaque entreprise afin de prévenir les risques d'interférences.

Pendant toute la durée de l'opération, l'entreprise extérieur et l'entreprise utilisatrice doivent tenir le plan de prévention à la disposition :
- de l'inspection du travail,
- de la CRAM,
- des CHSCT,
- des médecins du travail EE et EU.


Par ailleurs, l’employeur a l’obligation d’établir un règlement intérieur comportant un volet sur l’hygiène et la sécurité au sein de l’entreprise.

II. L’ETABLISSEMENT D’UN REGLEMENT INTERIEUR

En vertu de son pouvoir de direction, le chef d’entreprise peut prendre des mesures générales touchant au fonctionnement de l’entreprise qui s’appliquent à l’ensemble des salariés et qui constituent le règlement intérieur.

Celui-ci est régi par le code du travail, articles L. 122-33 à L. 122-39, issus de la loi n° 82-689
du 4 août 1982 relative aux libertés des travailleurs.

Ce règlement fixe exclusivement les mesures prises pour l’application des règles d’hygiène et de sécurité, et notamment les instructions données par l’employeur pour assurer la sécurité et la santé des salariés, les règles de participation éventuelle des salariés au rétablissement de conditions de travail protectrices de leur sécurité et de leur santé. Il énonce les dispositions relatives aux droits de la défense des salariés et rappelle celles relatives à l’abus de l’autorité en matière sexuelle.
Des consignes de sécurité, adaptées à la nature de la tâche et aux risques résultant de l’évaluation effectuée par l’employeur, peuvent être incluses ou adjointes au règlement intérieur.
Lorsqu’elles sont prévues par des textes réglementaires (par exemple, décret du 14 novembre 1988 relatif à la prévention du risque électrique), le règlement intérieur doit y faire référence et rappeler aux salariés l’obligation de les respecter. Celui-ci peut prévoir des sanctions disciplinaires en cas d’infractions à ces règles.
Afin de garantir les droits et libertés des travailleurs, les clauses du règlement intérieur doivent être conformes aux lois, aux règlements et aux conventions collectives étendues ou non. Par exemple, un écrit ne peut être exigé pour signaler une situation de travail présentant un danger grave et imminent alors que la réglementation ne le prévoit pas (Conseil d’État, 1er juillet 1988, n°81 445, Régime national des usines Renault).

En outre, le droit des personnes et les libertés individuelles et collectives ne peuvent être restreints que si la nature de la tâche à accomplir le justifie et si ces restrictions sont proportionnées au but recherché (art. L. 122-35). Ainsi, l’alcootest devra être justifié par l’exécution de certains travaux ou la conduite de certaines machines (C.E., 12 novembre 1990, n° 96 721, Compagnie de signaux et d’entreprises électriques), le contrôle de l’état et du contenu de vestiaires individuels “par les nécessités de l’hygiène et de la sécurité” (C.E., 9 octobre 1987, n°72 220, R.N.U.R.). Il en est de même de la fouille, du port d’un badge ou d’une tenue de travail.

A. MODALITE D’ELABORATION DU REGEMENT INTERIEUR

Certaines formalités doivent être respectées lors de l’élaboration du règlement intérieur ou de ses modifications ultérieures. Il doit être soumis à l’avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, ainsi qu’à celui du CHSCT, comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans les matières relevant de sa compétence (article L. 122-36 du code du travail).
Il est ensuite communiqué à l’inspecteur du travail, affiché sur les lieux de travail et déposé au secrétariat-greffe du conseil de prud’hommes (art. R. 122-12 et R. 122-13 du code du travail). L’absence de représentants élus du personnel n’exonère pas l’employeur de son obligation d’élaborer un règlement intérieur. Le règlement intérieur fixe sa date d’entrée en vigueur (au moins un mois après les formalités de dépôt et de publicité). En cas d’urgence (utilisation de produits toxiques ou de nouveaux matériels présentant des dangers), les prescriptions relatives à l’hygiène et à la sécurité peuvent être immédiatement applicables (art. L. 122-39 du code du travail).

B. CONTROLE DU REGLEMENT INTERIEUR

La validité du règlement intérieur est contrôlée par l’inspection du travail lors de son élaboration ou de ses modifications, mais également à tout moment (art. L. 122-37 du code du travail). Ce contrôle s’exerce à la fois sur les matières imposées par la loi et sur la légalité des dispositions du règlement. L’inspecteur du travail peut exiger le retrait de clauses prohibées ou l’ajout d’une mention manquante. La décision de l’Inspection du travail, motivée, est notifiée à l’employeur est communiquée pour information aux représentants du personnel.
L’employeur dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l’inspecteur du travail pour exercer un recours auprès de la direction régionale du travail et de l’emploi. À l’occasion d’un litige individuel, une clause du règlement intérieur peut également faire l’objet d’un contrôle juridictionnel par le conseil de prud’hommes (art. L. 122-37 du code du travail).
En cas d’infractions, l’employeur encourt des peines d’amendes prévues pour les contraventions de 4e classe (art. R. 152-4 du code de travail).

Le contrôle et les modalités du règlement intérieur par différents organismes permettent d’envisager tous les risques liés à l’entreprise et d’y indiquer les mesures mises en place.
De plus, l’employeur est dans l’obligation de former ses salariés pour diminuer ces risques.

III. LA MISE EN PLACE D’UNE FORMATION A LA SECURITE

Le chef d'établissement est dans l'obligation de dispenser à tous ses employés une formation portant sur la sécurité. Il s'agit d'une formation pratique et appropriée à la sécurité du travail au sein de l'établissement en fonction de sa taille, de la nature de son activité, du caractère des risques qui y sont constatés et du type d'emplois occupés par les salariés concernés.


A. LA JUSTIFICATION DE LA FORMATION

A la charge de l'employeur, cette formation doit être répétée périodiquement. Il est important de pouvoir prouver, vis à vis de la justice et de l'inspection du travail, que la formation a bien été réalisée, notamment en cas d'accident.
La justification de l'exécution de la formation peut être :
- des enregistrements (feuilles d'attestation de suivi, de présence)
- des supports de formation (modules pédagogiques, …)
- des programmes clairement établis
- les documents remis aux stagiaires
La conservation de ces documents doit être maîtrisée.

B.LES BENEFICIAIRES

La formation à la sécurité visée à l'article L 231-3-1 du Code du travail concerne :
- les travailleurs nouvellement embauchés
- ceux qui changent de poste ou de technique
- ceux qui reprennent leur activité après un arrêt de travail d'au moins 21 jours
- les travailleurs temporaires ou sous contrat à durée déterminée et les stagiaires
- les salariés d'entreprises dites extérieures.
Ces obligations sont inscrits aux articles R 231-38, R 231-39, L 231-3-1, R 237-11 à R 237-15 du Code du travail, ainsi que dans la circulaire DRT n°18/90 du 30 octobre 1990.
Les bénéficiaires sont donc entendus d’une manière large. On notera ainsi que les travailleurs temporaires bénéficient de cette formation en tout cas en théorie, car on le verra, ils sont loin de bénéficier d’une protection aigue et identique à celle des autres salariés de l’entreprise.

C. LA MISE EN ŒUVRE DE LA FORMATION

C'est l'employeur qui organise les actions de formation pour ses propres salariés comme pour ceux mis à sa disposition. Le temps passé à ces formations est considéré comme temps de travail et elles s'effectuent pendant l'horaire normal de travail Le médecin du travail, et s'il existe, l'agent de sécurité sont associés par l'employeur à l'élaboration de ces actions. Les institutions représentatives du personnel participent à la préparation des actions de formation.

Des organismes extérieurs à l'entreprise peuvent aussi concourir aux actions de formation comme par exemple :
- l'inspection du travail
- les caisses régionales d'assurance maladie
- les caisses de mutualité sociale agricole
- l'institut national de recherche et de sécurité (INRS)
- l'Agence Nationale pour l'Amélioration des Conditions de Travail (ANACT)
- l'Organisme Professionnel de Prévention du Bâtiment et des Travaux Publics (OPPBTP).
Articles R 231-44, R 231-32, R 231-33 et R 231-43 du Code du travail.

D. LE ROLE ET LE CONTENU DE LA FORMATION

La formation sécurité a pour objet d'instruire le salarié des précautions à prendre pour assurer sa propre sécurité et, le cas échéant, celle des autres personnes occupées dans l'établissement. A cet effet les informations, enseignements et instructions nécessaires lui sont donnés en ce qui concerne les conditions de circulation dans l'entreprise, les risques liés à l'exécution de son travail et les dispositions qu'il doit pendre en cas d'accident ou de sinistre.
En réalité, c’est de l’obligation de formation de l’employeur que découle implicitement l’obligation de sécurité du salarié.
Mais ces obligations étant étroitement liées, on peut s’interroger sur l’existence de l’obligation de sécurité du salarié qui semble dépendre fortement de celle de l’employeur et de la formation reçue par le salarié.

Exemples : Le contenu de la formation de base

La circulation interne et externe des engins et des personnes
- Règles de circulation des véhicules et des engins.
- Chemins d'accès au poste de travail
- Chemins d'accès infirmerie, vestiaires, sanitaires.
- Signalisation sécurité.

Exécution du travail- Risques.
- Comportements et gestes les plus surs.
- Condition d'utilisation des équipements de travail, des équipements de protection individuelle (EPI), des produits dangereux.
- Explication des modes opératoires/sécurité.
- Fonctionnement des dispositifs de protection et de secours / emploi.
- Signalisation sécurité / santé

Conduite à tenir en cas d'accident
- Instruction pour la sauvegarde des victimes.
- Conduite à tenir en cas d'accident.

Conduite à tenir en cas d'accidenté
- Issues et dégagements de secours.
- Instructions d'évacuation en cas de sinistre.
- Signalisation sécurité.
Toutes ces dispositions sont énoncées aux articles R 231-35 et suivants du Code du travail.

E. LA FORMATION RENFORCEE DES TRAVAILLEURS PRECAIRES.

Les travailleurs sous contrat à durée déterminée et les intérimaires sont les plus touchés par les accident du travail C'est pourquoi le législateur a prévu des mesures particulières de sécurité les concernant. Il est ainsi interdit d'affecter ces salariés à des travaux dits dangereux énumérés par l'arrêté du 8 octobre 1990. De plus l'article L 231-3-1 du code du travail prévoit que ces salariés bénéficient d'une formation renforcée à la sécurité ainsi que d'un accueil et d'une formation adaptée dans l'entreprise dans laquelle ils sont occupés, dès lors qu'ils ont été affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité.

La circulaire DRT N° 18/90 du 30 octobre1990, relative au CDD et au travail intérimaire, précise les modalités d'établissement par le chef d'entreprise de la liste de ces postes de travail dits dangereux. L'établissement de cette liste participe à l'évaluation des risques professionnels dans l'établissement. Elle est établie par le chef d'établissement, après avis du médecin du travail et du Comité d'Hygiène, Sécurité et Conditions de Travail (CHSCT) (ou à défaut, des délégués du personnel).

Deux catégories de postes paraissent devoir figurer sur cette liste :
- les travaux habituellement reconnus dangereux et qui nécessite une certaine qualification,
- les travaux pour lesquels une formation particulière est prévue par la réglementation.

Tout est donc prévu pour protéger au mieux les travailleurs précaires, mais on verra que en réalité cela n’est qu’une pure utopie. Ainsi la formation semble être une étape de prévention nécessaire à la protection du salarié directement mais aussi à l’ensemble de l’entreprise.
En cas de non respect de la formation, l’employeur sera tenu responsable.
Il est donc dans son intérêt de respecter son obligation.

IV LA RESPONSABILITE DE L’EMPLOYEUR

En matière de sécurité dans l’entreprise, l’employeur est soumis à une obligation de résultat. Ainsi, il est tenu de garantir la sécurité et la santé des salariés. Il ne peut se contenter d’affirmer qu’il a mis en œuvre tous les moyens pour atteindre cet objectif. Le manquement à l’obligation de sécurité revêt le caractère de faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

De plus, depuis les jurisprudences amiante, la CCass semble être intolérante quant aux obligations de l’employeur et par conséquent quant à sa responsabilité.
L’employeur peut donc voir sa responsabilité civile ou pénale engagée.

A. LA RESPONSABILITE CIVILE DE L’EMPLOYEUR

En cas de maladie professionnelle ou d’accident du travail, la responsabilité civile de l’employeur peut être engagée.

L’employeur ayant une obligation de résultat en matière de sécurité envers l’ensemble de ses salariés, est tenu de justifier que l’accident de travail ou la maladie professionnelle résulte d’événements qui lui sont étrangers. Il y a donc une présomption de responsabilité qui pèse sur l’employeur.

Dans le cas d’une maladie professionnelle ou d’accident du travail, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qui n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver, le manquement à cette obligation revêt le caractère d’une faute inexcusable.
Ainsi, par exemple, en cas d’accident du travail causé par un outil dangereux, l’employeur ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité civile en prétextant ne pas avoir pris conscience du danger encouru par le salarié.

A contrario, la cour de cassation a considéré qu’aucune faute inexcusable ne peut être retenue à l’encontre de l’employeur si l’accident a été causé par un matériel ne présentant aucune anomalie.

B LA RESPONSABILITE PENALE

Tandis que les mécanismes de la responsabilité civile visent à réparer les dommages causés à un individu, la responsabilité pénale contraint l'auteur d'une infraction à répondre de ses actes devant le corps social dans son ensemble ; il s'agit de réprimer une conduite contraire aux règles fixées par la société. En cas de violation d'une règle d'hygiène et de sécurité inscrite dans le Code du travail, la responsabilité de l'auteur de l'infraction sera recherchée sur le fondement de ce code ainsi que sur le fondement du Code pénal si cette violation a concouru à créer un dommage.

1. La responsabilité pénale fondée sur le code du travail

-La personne responsable
Engagée sur le fondement du code du travail, la responsabilité pénale repose sur une seule personne, généralement le chef d'entreprise ; c'est à lui de veiller personnellement et à tous moments à la stricte et constante application des règles d'hygiène et de sécurité. Il peut cependant transférer cette responsabilité en organisant une délégation de pouvoirs.

En cas de pluralité d'entreprises, lors de l'intervention d'une entreprise extérieure, par exemple, c'est au chef de l'entreprise utilisatrice d'assurer la coordination des mesures de prévention, chaque chef d'entreprise restant responsable de l'application des règles à son propre personnel.
Ainsi le responsable d'une entreprise utilisatrice a été condamné pour n'avoir pas respecté les mesures de sécurité qui lui incombaient et n'avoir pas informé l'entreprise intervenante des risques encourus par son personnel et de la nécessité de lui faire porter une protection individuelle (Cass. crim., 3 avril 1997).

En matière d'hygiène et de sécurité, seule la responsabilité des personnes physiques peut être engagée sur le fondement du code du travail. En effet, aucune disposition ne permet ici de retenir la responsabilité des personnes morales.

-Les infractions
La responsabilité du chef d'entreprise (ou de son délégataire) sera recherchée quand, par sa faute personnelle, il commet une infraction aux règles d'hygiène et de sécurité définies dans les trois premiers chapitres du titre III du livre II du code du travail, ainsi que dans les règlements pris pour leur application. L'auteur d'une infraction pourra être poursuivi, par exemple, pour défaut de formation des salariés à la sécurité prévue par l'article L. 231-3-1 du code du travail (Cass. crim., 16 septembre 1997) ;défaut d'installation de protecteurs, comme prescrit par l'article R.233-15, empêchant l'accès aux zones dangereuses d'une machine (Cass. crim., 2 décembre 1997).
L'employeur (ou son délégataire) ne peut s'exonérer de sa responsabilité en invoquant son absence au moment des faits, ou une faute commise par la victime, à moins que celle-ci ne constitue la cause exclusive et imprévisible de l'accident. Ainsi le fait que la victime ait utilisé une machine pour son propre compte, sur son lieu de travail et pendant son horaire de travail, n'est pas de nature à exonérer le délégataire en matière d'hygiène et de sécurité qui a commis une faute personnelle, en laissant à la disposition des salariés une machine dangereuse (tronçonneuse) insuffisamment protégée (Cass. crim., 30 juin 1998).


2.La responsabilité pénale fondée sur le code pénal

a.-La personne responsable

A la différence du code du travail, le code pénal permet de poursuivre simultanément le ou les auteurs des infractions commises. Il peut s'agir de personnes physiques, mais aussi, depuis la réforme du code pénal entrée en vigueur le 1er mars 1994, de personnes morales.

b-Les infractions

Les atteintes involontaires à la vie et à l'intégrité physique
Au regard du code pénal, la qualification d'une infraction et la peine encourue peuvent dépendre de la gravité du dommage. Sont qualifiés de délits : l'homicide involontaire par "maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements" (article 221-6) ; les blessures involontaires quand l'incapacité totale de travail qui en résulte est supérieure à trois mois (article 221-19 du code pénal).

Sont qualifiés de contraventions : le fait de causer à autrui une incapacité totale de travail inférieure ou égale à trois mois (article R 625-2) ; le fait de porter atteinte à l'intégrité physique d'autrui sans qu'il en résulte une incapacité totale de travail (article R 622-1).

Toutes ces infractions sont assorties d'une circonstance aggravante si le manquement à une obligation de sécurité est délibéré. Cette circonstance aggravante entraîne :
Une répression plus sévère des délits d'homicide ou de blessures involontaires (article 221-6, alinéa 2 et 222-19, alinéa 2) ; La requalification en délit de la contravention pour blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure ou égale à trois mois (article 222-20) ; l'aggravation de la peine d'amende prévue dans le cas de blessures involontaires n'entraînant pas d'incapacité totale de travail (article R 625-3).
Cette circonstance aggravante a, par exemple, été retenue à l'encontre d'un responsable de sécurité, condamné alors que, suite à un premier accident, il n'avait pas accompli les diligences normales mises à sa charge, s'en tenant à l'avis du CHSCT, Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, qui préconisait simplement de rappeler les consignes de sécurité et n'ayant procédé à aucune transformation de l'ascenseur en cause (Cass. crim., 7 avril 1998).

-Le délit de mise en danger d'autrui (article 223-1)
Il s'agit de la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence, imposée par la loi ou le règlement, qui expose directement autrui à un risque de mort ou de blessures pouvant entraîner une mutilation ou une infirmité permanente.

L'objectif visé par la réforme de 1992, qui a introduit ce nouveau délit dans le code pénal, était notamment de prévenir les accidents du travail, en réprimant les manquements graves même en l'absence de dommages.
L'infraction sera constituée lorsque son auteur a pleinement conscience du risque et si le risque visé est immédiat (risque d'accident du travail ou de maladies professionnelles) ; l'exposition au risque est directe et inévitable pour le salarié ; l'obligation violée est une obligation particulière (et non générale) de sécurité : par exemple, les prescriptions en matière d'échafaudages fixées par l'article 115 du décret du 8 janvier 1965.
L’employeur a donc une grande responsabilité en matière de protection de l’intégrité physique du travailleur. On pourrait justifier cette responsabilité par le droit commun des obligations et la responsabilité du fait des choses, l’employeur étant considéré comme gardien de son entreprise.
Il semble parfaitement normal d’imposer de telles obligatiuons à l’employeur. En effet, le salarié fournissant sa prestation de travail, il doit pouvoir exécuter son contrat en toute sécurité et l’employeur est le mieux à même pour prendre les mesures nécessaires.

Si les obligations principales en matière de santé et de sécurité du travailleur pèsent sur l’employeur, le salarié et les IRP jouent également un rôle non négligeable dans la protection de l’intégrité physique du travailleur.

SECTION II: LA PROTECTION DE L’INTEGRITE PHYSIQUE A TRAVERS LE SALARIE ET SES REPRESENTANTS

Le salarié est le premier concerné par sa santé et sa sécurité au travail. Il est donc logique que pèsent sur lui des obligations et des droits lui permettant de préserver son intégrité.

I.LE SALARIE: PRINCIPAL PROTAGONNISTE DANS LA PROTECTION DE SON INTEGRITE?

La question qui se pose à nous dans ce paragraphe est de savoir si le code du travail permet au salarié d’être le principal acteur dans la protection de sa santé au travail.
Ainsi nous verrons que pour cela il dispose d’une obligation de sécurité mais également d’un droit d’alerte et de retrait. Mais cela est-il suffisant?

A. L’OBLIGATION DE SECURITE DU SALARIE

Si l’employeur a une obligation de sécurité de résultat, le salarié n’est pas totalement étranger à cette obligation.
En effet, l’article L230-3 CT pose également une obligation de sécurité à l’égard des salariés « il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa sécurité et sa santé ainsi que de celles des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail »
C’est la directive du conseil du 12 juin 1989(directive 89/391/CEE) qui concerne la mise en œuvre des mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail qui vient préciser la nature des obligations des salariés en la matière.
On se réfère ainsi à la section III : obligation des travailleurs (art 13) de la directive.
La directive précise l’étendue de cette obligation de sécurité notamment par une utilisation correcte des machines, appareils ou des équipements de protection ou encore par le fait de « concourir […] avec l’employeur et/ou les travailleurs ayant une fonction spécifique en matière de protection de la sécurité et de la santé […] afin de protéger la sécurité et la santé des travailleurs au travail »
Le salarié est alors responsable de sa santé ainsi que de celle « des autres personnes concernées du fait de ses actes ou omissions au travail »
L’article L230-3 CT parle « d’actes ou omissions au travail » mais il ne précise pas s’il s’agit d’acte ou d’omissions directement liés au travail du salarié ou s’ils peuvent être extérieurs à l’exécution de son travail.
Par exemple un salarié non fumeur ne pourrait-il pas imputer un cancer des poumons à son collègue de travail fumeur ? En effet, on pourrait considérer que le collègue fumeur a manqué à son obligation de sécurité pourtant posée par le code du travail.
De même, il parait tout à fait normal d’inclure le salarié dans la protection de sa santé et de celle des autres travailleurs car il serait facile de tout rejeter sur l’employeur bien qu’il soit évident, comme le précise l’article L230-3 CT, que le salarié ne peut satisfaire à son obligation de sécurité qu’à travers les moyens que lui donnent l’employeur « conformément aux instructions qui lui sont données par l’employeur ou le chef d’établissement »
C’est dans cette logique que l’article L230-4CT précise que l’obligation de sécurité du travailleur « n’affecte pas le principe de responsabilité des employeurs ou des chefs d’établissement ».
Si l’employeur a une obligation de sécurité de résultat, celle du salarié ne semble être qu’une obligation de moyen, ce qui est tout à fait normal le salarié étant sous la subordination de l’employeur et l’employeur étant responsable de ses préposés.
Une simple logique suffit à comprendre le déséquilibre entre ces deux obligations bien que l’on puisse se demander si une obligation de sécurité de résultat à l’égard des autres salariés ne permettrait pas une plus grande protection de l’intégrité physique du travailleur en général…
Or cela ne parait pas nécessaire dans la mesure où rares sont les accidents de travail causés directement par le comportement mal venant d’un salarié.
De plus, cela ne remettrait-il pas en cause la bonne fois des travailleurs?
Toutefois, le salarié manquant à son obligation de sécurité commet une faute susceptible d’entraîner des sanctions telles que le blâme, la mise à pied ou encore le licenciement.
La Cour de Cassation, dans un arrêt du 28 février 2002(Soc, 28/02/02, n°00-41-220) a ainsi admis le licenciement pour faute grave d’un salarié ayant commis plusieurs fautes à l’origine d’un accident mortel, bien que ce dernier n’ait reçu aucune délégation de pouvoir en matière de sécurité et de prévention des risques.
La Cour n’hésite dons pas à sanctionner le salarié qui manque à son obligation de protection de l’intégrité physique. C’est dire alors toute l’importance de cette obligation qui reste cependant trop discrète aujourd’hui.

On l’a vu le code prévoit une obligation de sécurité pour le salarié mais il dispose surtout d’un droit d’alerte et de retrait qui est semble-t-il le principal atout pour protéger son intégrité physique.

B. LES MOYENS DU SALARIE POUR PROTEGER SON INTEGRITE PHYSIQUE : LE DROIT D’ALERTE ET DE RETRAIT

C’est la loi du 23 décembre 1982(loi n°82-1097) qui a créé ce droit au profit des salariés qui craignent pour leur santé et leur sécurité.
Ce droit pour le travailleur est énoncé à l’article L231-8al1 CT, il concerne celui qui a « un motif raisonnable de penser » que la situation de travail dans laquelle il se trouve « présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé »
La loi du 31décembre 1991(n°91-1414) l’a complété par « ainsi que toute les défectuosités qu’il constate dans les systèmes de protection »

1. le droit d’alerte
L’article L231-8CT dispose que le salarié « signale immédiatement à l’employeur ou à son représentant » ; le salarié peut donc signaler tout danger pour sa santé et sa sécurité à l’employeur sans crainte. Il s’agit d’un droit qui permet au premier concerné et au mieux à même pour connaître les situations de danger de signaler tous risques.
De plus, il n’y a aucun formalisme à respecter, cela peut se faire par écrit ou simplement oralement.
Grâce à ce droit d’alerte, le salarié aura averti l’employeur de tout danger qui ne pourra donc plus se cacher derrière l’ignorance pour se soustraire à ses obligations.
Il ne pourra pas demander au salarié de reprendre son activité tant que le danger persiste.
Le salarié qui serait victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors que le danger avait été préalablement signalé bénéficiera de la faute inexcusable de l’employeur (art L231-8-1al3 CT)
Néanmoins, l’article L231-8 al1 CT reste restrictif car il parle de danger grave et imminent. On peut alors penser qu’un danger simple ne justifierait pas le droit d’alerte du salarié.
Or, en réalité c’est le salarié qui appréciera la dangerosité du risque. Le caractère « grave et imminent » dépendra de son appréciation. Toutefois, il devra rapporter la preuve de la gravité du risque.

De ce droit d’alerte découle très logiquement le droit de retrait.

2. le droit de retrait
Le salarié qui craint pour sa santé ou sa sécurité peut quitter son poste sans commettre de faute s’il a un motif raisonnable de penser qu’il est exposé à un danger grave et imminent.
Là encore, tout repose sur la subjectivité de la notion de « danger grave et imminent » que le salarié est le seul à pouvoir évaluer.
Mais concrètement, que doit-on entendre par danger grave et imminent ?
Exemples: -une menace directe pour la vie ou la santé du salarié, c'est-à-dire un risque susceptible d’entraîner la mort ou un accident du travail ou une maladie professionnelle entraînant la mort ou une incapacité permanente ou temporaire prolongée.
-imminent : proche ou brusque.
De même que le danger doit se distinguer du risque habituel.
Mais si l’on comprend la subjectivité de cette notion, il serait restrictif de donner une définition exacte limitant le droit de retrait du salarié qui est pourtant le seul juge de ces situations, ne doit-on pas craindre qu’un salarié ayant peur d’exercer à tords son droit de retrait ne se retire pas, alors qu’il y avait bien danger ?
Car un salarié qui exerce abusivement son droit de retrait peut se voir opérer une retenue sur salaire.
De plus, le salarié qui se retire ne doit pas créer une nouvelle situation de danger.
En définitive, le droit d’alerte et de retrait est certainement le meilleur outil dont dispose le salarié pour protéger son intégrité physique puisque l’on fait primer la protection sur la subordination du salarié qui peut en cas de danger quitter son poste de travail.
Reste à savoir si en pratique le salarié exerce réellement ce droit de retrait quand il se sent en danger.
Néanmoins, on précisera que ce droit serait largement insuffisant dans l’hypothèse où un employeur ne respecterait pas ces diverses obligations en matière de santé et de sécurité.

Enfin, on s’attardera sur la protection d’une classe particulière de travailleurs que sont les travailleurs précaires pour voir s’ils disposent, malgré leur statut, d’une protection identique à celle des autres travailleurs.


C. LA PROTECTION DES TRAVAILLEURS PRECAIRES

En théorie il ne devrait pas y avoir de différence entre le travailleur précaire et les autres travailleurs : ils doivent bénéficier de la même protection ou plutôt devraient car en pratique ce n’est pas le cas du tout.
En effet, on constate que souvent, le travailleur précaire maîtrise moins bien les règles de sécurité. Mais surtout, le travailleur précaire dispose la plupart du temps de peu de matériel de protection voir même de pas du tout.
Cela s’explique peut être par le fait que l’entreprise ne voit pas en quoi elle devrait également protéger les salariés n’appartenant pas à son établissement ou n’étant la que pour peu de temps. D’autant que, la situation précaire de ces derniers leur fait souvent tout accepter…
« Quand on est intérimaires, les postes les plus durs, les plus sales boulots, c’est pour nous» témoigne un ouvrier de l’usine PSA de Poissy.
Certains salariés ne voient pas leur contrat reconduit simplement parce qu’ils demandaient un changement de poste. «Il faut arrêter de nous considérer comme des kleenex» affirment-ils.
Pourtant, la législation prévoit que les règles applicables au CHSCT s’appliquent également aux salariés intérimaires. Or, aujourd’hui, le décalage avec la pratique est surprenant.
Cependant, la loi interdit bien l’emploi de travailleurs temporaires pour des travaux particulièrement dangereux (artL124-2-3 CT) et prévoit également qu’ils doivent bénéficier d’une formation spécifique à la sécurité (art R231-38CT)
Malheureusement, cette législation est largement insuffisante. L’exemple de l’usine AZF de Toulouse en est la preuve puisque sur les 23 salariés décédés, 13 provenaient d’entreprise sous traitantes.
Alors quand on se demande si le code du travail prévoit des règles suffisantes à la protection de l’intégrité physique des travailleurs, doit-on répondre en distinguant les salariés «normaux» des travailleurs précaires?
Ce serait la bien regrettable ; il n’y pas de différence à faire entre les salariés et surtout pas en matière de santé et de sécurité.
Bien que l’entreprise utilisatrice soit responsable de la santé et de la sécurité des travailleurs temporaires, il est clair qu’en pratique cette obligation est plus que bafouée et que le législateur doit prendre de larges mesures pour sanctionner le comportement de certaines entreprises en la matière.
La personne étant déjà qualifiée de travailleur « précaire », doit-on pour autant parler de protection «précaire»?
On pourrait imaginer, comme le fait Mme Bonnechère (dans sa note du droit ouvrier de novembre 2003) qu’à l’avenir la Chambre sociale applique «aux CHSCT les mêmes règles qu’aux CE, c'est-à-dire, «compter deux fois» les travailleurs intérimaires, abandonnant une approche formelle qui accroît leur précarité»
Il est sans doute certain qu’encore aujourd’hui on ne puisse parler de droit à la protection de l’intégrité physique dans la mesure où tous les salariés ne sont pas placés sur un pied d’égalité.

Le salarié semble donc avoir les outils nécessaires pour participer à la protection de sa propre intégrité physique ainsi qu’à celle des autres travailleurs.
Reste à savoir si ces dispositifs sont suffisants ? La réponse est sans hésitation négative. Un travailleur, devant déjà accomplir sa prestation de travail, ne peut, à lui seul, veiller à la protection de sa propre santé
Le premier rôle en matière de protection incombe sans aucun doute à l’employeur.
Néanmoins, le salarié peut également participer indirectement à cette protection notamment par l’intermédiaire de ses représentants qui ont aussi leur rôle à jouer dans ce domaine.

II. LA PROTECTION DE L’INTEGRITE PHYSIQUE DU TRAVAILLEUR PAR L’INTERMEDIAIRE DES IRP

L’alinéa 8 du préambule de la constitution de 1946 indique que « tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses représentants, à la détermination collective de ses conditions de travail »
Les IRP sont comme leur nom l’indique, représentatives du personnel, il est donc logique qu’elles aient un rôle plus ou moins actif à jouer dans la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.
De plus, les salariés disposent d’une institution spécialisée en matière de santé et de sécurité au travail, il s’agit du CHSCT.

A. LE ROLE DES DELEGUES DU PERSONNEL ET DU COMITE D’ENTREPRISE

Les DP comme le CE ont un rôle à jouer en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.
1. les délégués du personnel
L’article L422-1 CT pose un principe général pour les DP de réclamation des salariés. Ce principe général s’applique également à la santé et à la sécurité du travailleur.
Ils peuvent également saisir l’inspecteur du travail en cas de problème dans l’application de la législation du travail. Ils ont un rôle actif à jouer en matière de protection de l’intégrité physique du travailleur ; ils sont en ce sens, consultés sur le reclassement d’un salarié après un accident du travail.
L’article L422-2 CT prévoit également la saisine du CHSCT par les DP.
De plus, ils disposent, comme le salarié, d’un droit d’alerte auprès de l’employeur en cas d’atteinte « à la santé physique ou mentale » des personnes.
Mais surtout, ce sont les DP qui, en l’absence de CHSCT, vont accomplir les missions de ce comité.

Les DP peuvent donc, par le biais de leurs missions, participer directement ou indirectement à la protection de l’intégrité physique des travailleurs.
Mais c’est également le cas du CE.

2. le comité d’entreprise

Comme l’indique l’article L431-4 CT « le CE a pour objet d’assurer une expression collective des salariés, permettant la prise en compte permanant de leurs intérêts dans les décisions relatives à […] l’organisation du travail »
Le CE est également informé sur les programmes et actions de formation à la sécurité.
De plus, en cas d’accidents du travail, le CE rend un avis motivé sur le plan visant à rétablir les conditions normales d’hygiène et de sécurité.
Mais la principale participation du CE à la protection de la santé des salariés reste le contrôle qu’il exerce sur le service de santé au travail. En effet, le CE peut s’opposer au choix de l’employeur de recourir à un service de santé au travail extérieur ou interne ( art R241-1 CT)
De même que l’accord du CE est indispensable à la nomination et au licenciement du médecin du travail.
Il semble parfaitement normal que le CE intervienne dans ces deux derniers cas car il s’agit de la santé des salariés et il aurait été regrettable de laisser agir seul l’employeur sans aucune intervention directe ou indirecte (à travers les IRP) des salariés.
Ainsi le CE pourra faire valoir ce qui lui semble le mieux adapté pour une meilleure protection des travailleurs en « surveillant » le service de santé au travail.

Par conséquent, si le CE exerce essentiellement des fonctions économiques, son rôle en matière de sécurité et de santé n’est pas inexistant.
Les syndicats jouent également un rôle actif en matière de protection de l’intégrité physique du salarié qui est peut être plus indirecte.

B.LA REPRESENTATION SYNDICALE ET LA PROTECTION DE LA SANTE

C’est par le biais de la négociation collective que se traduit le rôle des syndicats en matière de protection de la santé et de la sécurité au travail.
Ainsi Mr Héas(semaine sociale Lamy 27/12/04 n°1196) dit qu’« il revient aux organisations syndicales de contribuer à l’émergence des nouvelles normes destinées à prémunir les travailleurs contre toute altération de leur état physique ou mental» La Cour de Cassation a reconnu que les accords négociés dans l’entreprise peuvent avoir pour objet la santé des salariés. En ce sens, elle affirme dans un arrêt du 7 décembre 1982(CCass Crim) que «les délégués syndicaux ont qualité pour veiller à l’hygiène et à la sécurité des travailleurs, même lorsqu’il existe un CHSCT dans l’entreprise.»
On pourra également citer un accord du 1er octobre 2003 concernant l’entreprise CEGETEL relatif à la prévention et à la gestion du stress et du harcèlement moral. Dans cet accord, le rôle des différents acteurs en matière de santé au travail est précisé afin d’améliorer la protection.
Par ailleurs, si on s’attarde maintenant au niveau de la branche, on pourra citer un accord du 26 février 2003 du secteur de la métallurgie sur la sécurité et la santé au travail, ou encore un accord du 3 septembre 2003 relatif à la santé au travail dans les industries chimiques prévoyant des surveillances médicales renforcées pour certaines situations de travail. En réalité, la santé au travail sera le plus souvent négocié au niveau de la branche permettant alors une protection plus large et peut être plus efficace des travailleurs.
Enfin, au niveau interprofessionnel, on notera que la célèbre loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites renvoie la question de la pénibilité au travail aux négociations entre partenaires sociaux (art 12 de la loi). Ce renvoi illustre parfaitement l’idée selon laquelle les partenaires sociaux sont les mieux à même à négocier et à intervenir en matière de santé au travail et de protection du salarié.
Il semblerait normal de confier le domaine de la santé et de la sécurité au travail aux syndicats avec l’intervention d’autres acteurs tels que les services de santé au travail plutôt que de faire confiance à un législateur « ignorant » bien que pour l’instant on n’ait pas à critiquer ses interventions en la matière qui semblent en théorie assez complètes.

Mais si les syndicats jouent un rôle important quant à la protection de l’intégrité physique du travailleur, le législateur a créé un comité spécifique en la matière, il s’agit du CHSCT.

C. LE CHSCT

La réglementation du CHSCT résulte pour la plus grande partie de la loi du 23 décembre 1982(n°82-1097) et des décrets du 23 septembre 1983 et du 23 mars 1993 (n°83-844 et n°93-449)

Dans le code du travail c’est l’article L236-2 qui prévoit les principales missions du CHSCT : -contribuer à la protection de la santé physique et mentale des salariés ainsi que de veiller à leur sécurité (on entend par salarié tous les salariés y compris les travailleurs temporaires)
- améliorer les conditions de travail
- veiller à l’application des normes législatives et réglementaires en matière d’hygiène et de sécurité.

Le CHSCT est donc un comité qui dispose d’une compétence de droit commun pour toutes les questions concernant la santé des travailleurs.
Au départ conçu comme un simple comité, c’est aujourd’hui une vrai IRP à part entière.
On ne reviendra pas sur la mise en place du CHSC T dans l’entreprise mais on précisera tout de même qu’il est destiné aux entreprises de plus de 50 salariés. Il s’agit pour ces entreprises d’une obligation. Cependant, dans les faits, tous les établissements devant obligatoirement disposer d’un CHSCT n’en constituent pas pour autant. Dans cette situation, ce sont les DP qui assurent les fonctions du CHSCT.
On s’attachera ici uniquement aux missions du CHSCT.

1. une mission d’information
Afin d’assurer au mieux ses missions de protection et de prévention, le CHSCT devra normalement s’informer. Cette information passe par exemple :
- par la fiche d’entreprise que tient le médecin du travail dans les entreprises de 10 salariés et qui doit être présenté annuellement au CHSCT
- le CHSCT peut avoir recours à un expert agréé qui sera rétribué par l’employeur, cela en cas de risque grave constaté dans l’établissement ou de projet de modification des conditions d’hygiène et de sécurité ou de travail.(art L236-9 CT) De même, le CHSCT sera informer de toutes les questions intéressants sa compétence comme par exemple la transformation des postes de travail.

2. une mission d’action de protection et de prévention
On l’a dit, l’article L236-2Ct énumère les principales missions du CHSCT. Mais le CHSCT dispose également d’un droit d’action qui lui permet d’assurer au mieux la protection des travailleurs.
Sa principale action au sein de l’entreprise est relative à l’évaluation des risques professionnels. En effet, le comité va analyser les risques professionnels présents dans l’établissement ainsi que dans les conditions de travail.
A ce titre, il dispose de la faculté d’inspecter les locaux de l’établissement ainsi que les machines. De même qu’il procède à des inspections régulières des locaux.
D’autre part, en cas d’accident du travail ou de maladie, le comité va procéder à une enquête afin de recueillir les informations nécessaires à une évaluation des risques et à une meilleure protection.
Par ailleurs, outre les enquêtes, le CHSCT dispose d’un droit d’alerte comme le salarié au prés de l’employeur en cas de danger grave et imminent (art L231-9). Dans cette hypothèse, l’employeur procèdera à une enquête avec les membres du comité et prendra les mesures nécessaires. En cas de divergence, l’inspecteur du travail tranchera le litige.

3. une mission de consultation
Le comité peut être saisi par le chef d’entreprise, le CE ou les DP. Il sera notamment consulté sur :
-la préparation et le suivi des actions de formation à la sécurité dont l’employeur est débiteur
-la remise au travail des accidentés ; handicapés ou invalides
-le règlement intérieur et les consignes relatives à certains risques
-un plan de mutations technologiques important
-toutes modifications des conditions de travail
-aménagement des locaux
- durée et horaire de travail
-évaluation des risques

4. le droit à la formation des membres du comité
Afin de mener leur mission de protection et de prévention de manière plus efficace, les membres du CHSCT bénéficient d’une formation théorique et pratique (art L236-10).
La formation peut être demandée par l’un des membres du comité dés sa première désignation et pourra être renouvelée quand les représentants ont exercé un mandat de 4 ans afin de réactualiser leur connaissance.

Cette formation a pour objet d’améliorer et de développer la détection et l’analyse des risques et conditions de travail.

5. les établissements dits Seveso et la loi du 30 juillet 03
La loi du 30 juillet 2003 est relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation de dommages.
Cette loi va contribuer à « à l’extension des problématiques d’hygiène et de sécurité au delà de l’entreprise » pour reprendre l’expression de Mr Héas.
Les établissements concernés par ce texte sont les établissements dits seveso c'est-à-dire « susceptibles de créer un danger d’explosion ou d’émanation de produits nocifs des risques importants pour la santé ou la sécurité et des établissements stockant des produits dangereux en souterrain »( Mr Héas)
Les applications de ce texte en droit du travail sont nombreuses et la loi permet ainsi une majoration de 30% du crédit d’heure des représentants du personnel dans les établissements concernés.
De plus dans ces entreprises, des comités interentreprises de santé et de sécurité peuvent être créés.
De même, en cas d’intervention d’entreprise extérieures, la composition du CHSCT de l’entreprise d’origine sera élargie aux entreprises extérieures afin d’établir des règles communes de sécurité.

CHAPIRE II : LA PROTECTION DE L’INTEGRITE PHYSIQUE ASSUREE PAR LES SERVICES EXTERIEURS A L’ENTREPRISE

SECTION I : LES SERVICES DE SANTE AU TRAVAIL

Les services de santé au travail s’entendent au sens large. Ils comprennent aussi bien les services autonomes que les services inter entreprise, mais ils comptent aussi le personnel infirmier et les services de premier secours.
On examinera ainsi les missions respectives de chacun de ces organismes.

I.HISTORIQUE

Bernardino Ramazzini (1633-1714) fut le précurseur de la pathologie professionnelle en essayant d'améliorer les conditions de travail et en se déplaçant sur les lieux de travail. Son ouvrage, encore réédité, De morbis artificum diatriba, fut publié à Padoue en 1700, traduit en français, commenté et enrichi par Fourcroy en 1777. À cette date, la "pathologie professionnelle" était enseignée dans les facultés de médecine.
En 1775, Percival Pott donne la première description du cancer du scrotum chez les ramoneurs : c'est la première fois qu'une relation est établie entre un cancer et une profession.
Louis-René Villermé, (1782-1863), est à l'origine des premières lois réglementant le temps de travail des enfants en 1841.
(Actuellement il y a encore 200 millions d'enfants au travail).
Les premières ébauches de médecine du travail en France sont l'œuvre des filateurs de Mulhouse avec la mise en place de systèmes mutualistes venant en aide aux ouvriers blessés : les premières lois ont été des mesures de réparation et non de prévention.
Le 9 Avril 1898 est entrée en vigueur la première loi sur les accidents du travail. Puis, en 1914-1918 la médecine préventive va naître dans les usines surtout celles où il existe un risque saturnin et charbonneux.
Le 25 octobre 1919 : la première loi sur les maladies professionnelles apparaît concernant le plomb et concernant le mercure. En 1930 un enseignement spécialisé va être mis en place, en 1937 : les médecins conseils de l'inspection du travail sont crées.
L’importante loi en date du 11 octobre vient précisé les objectifs, ainsi que les règles essentielles d’organisation de la médecine du travail dont l'article 1er dispose que :

"Les établissements énumérés à l'article 65 du Livre II du Code du travail, ainsi que les offices ministériels, les établissements relevant des professions libérales, les sociétés civiles, les syndicats professionnels et les associations de quelque nature que ce soit occupant des salariés devront organiser des services médicaux du travail.
Ces services seront assurés par un ou plusieurs médecins qui prennent le nom de "médecins du travail" et dont le rôle exclusivement préventif consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant les conditions d'hygiène du travail, les risques de contagion et l'état de santé des travailleurs".

La suite de cette loi dessine le cadre d'activité de cette discipline médicale.
La médecine du travail est exclusivement préventive, elle doit protéger les salariés. Elle est à la charge et sous la responsabilité des employeurs, elle est sous le contrôle des salariés. Elle est une obligation de type administratif. Ce n'est pas un service public, elle relève du droit privé et n'est pas un organisme de la sécurité sociale.
Tout établissement employant au moins un salarié est soumis à la médecine du travail. Il y a cependant des omissions.
Il existe des organismes de contrôle et des organismes consultatifs : Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels, Inspection du travail, Inspection médicale du travail, Commissions régionales de la Médecine du travail. Comité d'entreprise, commission de contrôle.
La loi du 17 janvier 2002, dite de modernisation sociale, faisant suite à l’accord des partenaires sociaux de septembre 2000, avait amorcé un changement fondamental du système en transformant les services de médecine du travail en service de santé au travail.
Enfin, récemment, le décret n° 760 du 28 juillet 2004 a apporté quelques modifications.

Les organismes de médecine du travail sont soit des services autonomes, soit des services médicaux interentreprises.

II. LES SERVICES D’ENTREPRISE OU SERVICES AUTONOMES

Ils surveillent moins de 10 % de l'ensemble des salariés.
Ils sont administrés par le chef d'entreprise, disposent de leurs propres locaux et de leur propre personnel paramédical. Ils disposent de leur propre budget.
La gestion et le fonctionnement sont sous la surveillance du Comité d'entreprise (CE), qui intervient dans la nomination et le licenciement du médecin du travail.

A. LES SERVICES MEDICAUX INTERENTREPRISE

Ils sont les plus fréquents : ils surveillent à peu près 90 % de l'ensemble des salariés. Le Code du Travail leur donne comme objet exclusif la pratique de la Médecine du Travail, (ce qui, implicitement exclut toute activité de soins hors les cas d'urgence).
La surveillance du service est assurée par une "Commission de contrôle" dans laquelle siègent pour 1/3 des représentants d'employeurs et pour 2/3 des représentants des salariés.
Toute création de service (autonome ou interentreprises) est soumise à une déclaration obligatoire dans les 15 jours à l'inspection du travail, puis à une demande d'agrément auprès du directeur régional du travail après avis du médecin inspecteur régional du travail et de la main-d'œuvre (MIRTMO). Cet agrément doit être renouvelé tous les 5 ans. Il concerne les équipements, les locaux, le personnel…
Les dépenses sont réparties proportionnellement au nombre de salariés surveillés. Les cotisations sont calculées sur une base forfaitaire par salarié ou en fonction de la masse salariale totale des entreprises adhérentes.

1. le statut du médecin du travail

Le médecin du travail est un docteur en médecine spécialiste, titulaire soit du CES soit du DES de médecine du travail (accès par l'internat de spécialité). Il est soumis au secret médical (article 226-13 du code pénal) et au secret de fabrication (article L152-7 du code du travail).
C'est un salarié de l'entreprise mais il est indépendant dans l'exercice de son art. Il est nommé ou licencié après accord du comité d'entreprise (service autonome) ou de la commission de contrôle (service interentreprises). Il est donc un salarié protégé.


2 Les missions en milieu de travail

Le médecin du travail doit passer le tiers de son temps sur les lieux de travail (art R241-47 du décret du 20 mars 1979). D'où l'expression de "tiers temps".
Par ailleurs, il effectue diverses missions.

Mais est ce que son intervention au sein de l’entreprise permet une protection efficace du salarié quand on sait que la visite médicale est passée d’une périodicité de 12 mois à 24 mois ?

Le médecin du travail est le conseiller du chef d'entreprise ou de son représentant, des salariés, des représentants du personnel, du ou des Comités d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT), dont il fait partie, et des services sociaux en ce qui concerne notamment :

Il a pour principales missions :

-L'amélioration des conditions de vie et de travail dans l'entreprise, ainsi il est consulté sur les projets de construction ou d'aménagement nouveaux, ou de modifications apportées aux équipements;

-L'adaptation des postes, des techniques et des rythmes de travail à la physiologie humaine. Pour cela, il évalue, selon les connaissances de l'ergonomie, les contraintes de travail, les astreintes en résultant et il fait des propositions constructives pour apporter des solutions ou des améliorations.

-L'appréciation des contraintes doit prendre en compte :
- la nature des outils, des produits utilisés, manipulés ou fabriqués,
- les postures adoptées et les différents gestes des travailleurs,
- les rythmes, cycles et cadences de travail…
- les dépenses énergétiques,
- l'ambiance physique ou chimique,
- les charges psychosensorielles.
-La protection des salariés contre l'ensemble des nuisances notamment contre les risques d'accidents du travail ou d'utilisation de produits dangereux. C'est la prévention des accidents du travail, des maladies professionnelles et des maladies à caractère professionnel. Ainsi le médecin du travail participe aux enquêtes menées lors des accidents du travail, des maladies professionnelles. Il a un rôle d'information sur les risques encourus, dans la mise en place des protections collectives ou individuelles en veillant à ce qu'elles fonctionnent correctement et qu'elles ne soient pas une contrainte supplémentaire pour les travailleurs.

-L'hygiène générale de l'établissement, de son service de restauration.

-La prévention et l'éducation sanitaire dans le cadre de l'entreprise en rapport avec l'activité professionnelle, ainsi il est associé à l'étude de toute nouvelle technique de production, à la formation à la sécurité et celle des secouristes.

Pour effectuer ces missions, le médecin du travail met en place des actions pendant son tiers temps
Il a donc un libre accès sur les lieux de travail :
Il effectue la visite des entreprises et établissements dont il a la charge soit à son initiative, soit à la demande de l'employeur ou du Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail.
Il surveille l'hygiène générale de l'entreprise :
Visite des locaux, possibilité d'effectuer des prélèvements et des analyses.
Le médecin doit veiller à ce que les conditions de travail soient les plus satisfaisants possibles.

Il doit avoir accès à l'information utile
En effet, il doit être informé des produits employés et de leur composition ainsi que de leurs modalités d'emploi (par l'intermédiaire notamment des fiches de données de sécurité), des résultats de toutes les mesures et analyses effectuées dans le domaine des conditions de travail. Rappelons qu'il est soumis au secret professionnel (médical et de fabrication).

Il est tenu d’établir une fiche d'entreprise
Le médecin établit et tient à jour une fiche où il consigne les caractéristiques de l'entreprise, les observations qu'il est amené à faire et la suite qui leur est réservée. Cette fiche, transmise à l'employeur, est tenue à disposition de l'inspection du travail, du MIRTMO, et du CHSCT, des agents du service prévention de la CRAM (§ R 241-41-3).
4.2.5 Le plan d'activité

Le médecin doit établir un plan d'activité annuel en milieu de travail portant sur les risques, les postes et les conditions de travail.
Ainsi, le médecin est tenu d’analyser les risques, les postes et les conditions de travail pendant son tiers temps afin de protéger le salarié. Il doit en avertir l’employeur.
En théorie, les multiples missions du médecin du travail semblent permettrent au salarié d’assurer une protection efficace et complète de son intégrité physique.

Mais ces missions les plus importantes sont sans doute les missions médicales.

3 Les missions médicales

Il s'agit des visites obligatoires et facultatives. Pour ces visites, le médecin du travail peut demander des examens complémentaires nécessaires à la détermination de l'aptitude médicale, au dépistage des maladies à caractère professionnel ou des affections dangereuses. Le temps passé à tous ces examens et les frais de transport sont à la charge de l'employeur.

Les visites obligatoires : d'embauchage, périodiques, de reprise
Les visites obligatoires donnent lieu à la rédaction et la délivrance d'une fiche d'aptitude en double exemplaire, un pour l'employeur et un pour le salarié. Aucune indication diagnostique ou médicale ne doit être portée sur cette fiche, seule doit figurer l'aptitude avec les éventuelles restrictions ou demandes d'aménagements de poste.
Le but des visites est de répondre aux deux questions suivantes :
- Le travail est-il dangereux pour le salarié (en fonction de son état de santé) ?
- Le salarié est-il dangereux pour son entourage professionnel ?
L'adéquation se fait par rapport à un poste donné dans une entreprise donnée et non par rapport au travail en général.

La visite d’embauche est donc une des première étape touchant la protection de la santé du salarié et par conséquent de l’entreprise.

La visite d'embauchage
Tout salarié fait obligatoirement l'objet d'un examen médical avant l'embauchage ou pendant la période d'essai.
Cette visite a pour but :
- de rechercher si le salarié est atteint d'une affection dangereuse pour les autres travailleurs,
- de s'assurer qu'il est médicalement apte au travail envisagé,
- de proposer éventuellement des adaptations du poste ou l'affectation à d'autres postes.
Le médecin établira un bilan médical soigneux éventuellement étayé par des examens complémentaires de son choix, en tenant compte de tous les facteurs psychosociaux surajoutés avant de prendre une décision d'aptitude.


Les visites périodiques
Au moins tous les deux ans (depuis la loi de juillet 2004), tout salarié bénéficie d’un examen médical en vue de s’assurer du maintien de son aptitude au poste occupé. L’employeur doit vérifier que tous les salariés de l’entreprise sont régulièrement convoqués et veiller à ce que les intéressés se rendent effectivement aux convocations.
Le premier examen doit avoir lieu tous les deux ans qui suivent l’examen d’embauche.
Pour les salariés entrant dans le cadre de la surveillance médicale renforcée, l’examen médical est renouvelé au moins tous les ans, sous réserve de dispositions particulières prévues par règlements ou par accord collectifs de branche étendus. Enfin, tout salarié bénéficie d’un examen médical à la demande de l’employeur ou à sa demande, celle-ci ne pouvant motiver une sanction.
Ces visites périodiques ont pour but de s'assurer du maintien de l'aptitude médicale du salarié au poste qu'il occupe et éventuellement d'envisager un aménagement de poste ou un changement de poste. Ces visites permettent d’éviter aussi l’aggravement d’une maladie ou la survenance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

La visite de reprise
Après :
- un congé maternité,
- des absences répétées,
- une absence :
- de plus de 8 jours pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle,
- de plus de 21 jours pour cause d'accident ou de maladie non professionnelle,
Les salariés doivent bénéficier d'une visite médicale de reprise qui a pour but d'apprécier le maintien de leur aptitude à leur poste de travail ou la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation.
Enfin, le médecin du travail doit être informé de tout arrêt de travail de moins de 8 jours pour accident du travail afin de pouvoir apprécier, notamment, l'opportunité d'un nouvel examen médical.

La visite de pré-reprise
Une visite un peu particulière est la visite de pré-reprise. Elle peut être demandée sur l'initiative du salarié, de son médecin traitant ou du médecin conseil. Elle est très utile quand on craint une reprise difficile voire impossible au poste antérieurement occupé. Elle permet au médecin du travail d'étudier un aménagement de poste ou un changement de poste dans l'entreprise. Demandée au moins quinze jours avant la fin prévisible de l'arrêt de travail, elle laisse le temps de prendre des avis spécialisés et des contacts utiles dans l'entreprise (direction et camarades de travail). Cette procédure devrait être beaucoup plus souvent utilisée par les médecins de ville.

La médecine du travail en France, est un modèle unique dans le monde. Ses principes de base ont été mis en place par la loi du 11 octobre 1946.
C'est une médecine exclusivement préventive, qui s'exerce à la fois dans un cabinet médical, et aussi sur le terrain dans les entreprises.
Le médecin du travail est un médecin " dont le rôle, exclusivement préventif, consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant les conditions d'hygiène du travail et l'état de santé des travailleurs ". Ce rôle porte à la fois sur les aspects individuels et collectifs de la santé et la sécurité des salariés.
Parmi les modifications réglementaires récentes deux sont à signaler :
- la mise en place d'une procédure, à respecter par le médecin du travail, en cas d'inaptitude médicale d'un salarié à son poste (art. R.241-51-1 du Code du travail).
- la possibilité de reconnaissance, dans certains cas précis, de maladies professionnelles, en dehors du cadre des tableaux (loi du 27 janvier 1993).
-la visite médicale biannuelle du décret n° 2004-760 du 28 juillet 2004.
Parmi les pathologies d'origine professionnelle deux sont d'actualité :
- les troubles musculo-squelettiques, qui sont devenus la première maladie professionnelle indemnisée depuis 1989. - les cancers induits par l'amiante, très médiatisés, qui débordent du champ professionnel.
De nombreuses questions se posent actuellement quant à la place et l'avenir de la médecine du travail.

CONCLUSION
Le but essentiel de la médecine du travail est la prévention. Le médecin du travail ne dispense pas de soins, sauf urgence. Il ne remet ni ordonnance, ni arrêt de travail.
Son action comprend essentiellement :
- la détermination de l'aptitude (ou de l'inaptitude) du travailleur à son emploi. Il ne s'agit pas d'une sélection à l'embauche, mais de la recherche d'une éventuelle inadaptation d'un homme à son travail.
- la surveillance de la santé des travailleurs, et tout particulièrement le dépistage des effets nocifs liés au travail. La surveillance est individuelle, et également collective par l'épidémiologie.
- l'étude des conditions de travail, des risques et des nuisances : sécurité, risque d'accidents du travail, risques toxiques, ambiance thermique (chaleur ou froid), niveau sonore, confort visuel et ambiance lumineuse, pénibilité du travail. Ces contraintes physiques et psychiques définissent la charge physique ou mentale du travail. Cette étude des conditions de travail a pour objet d'en proposer l'amélioration.
L'ergonomie est " l'application de l'ensemble des données scientifiques, physiologiques, psychologiques, toxicologiques, etc. à l'étude et à l'organisation du travail, en vue de son adaptation à l'homme ".
Les conceptions de la médecine du travail en Belgique, en Allemagne, en Italie et au Canada sont proches. Les conceptions anglo-saxonnes (Royaume-Uni, U.S.A.) sont différentes : elles mettent également l'accent sur les conditions de travail, mais diffèrent par une approche plus collective qu'individuelle, la part prédominante de l'épidémiologie, la place moins importante de l'action proprement médicale face à l'individu, et le caractère moins systématique de la législation. L'expression Médecine du travail dans le texte des recommandations internationales, est remplacée par celle de Santé au travail, plus vaste mais moins précise.
La médecine du travail participe à la santé publique. A ce titre, elle intervient dans la lutte contre les grands fléaux, comme l'alcoolisme, le tabagisme, les affections cardio-vasculaires, le cancer. Mais elle garde une spécificité liée au sujet d'étude (l'homme au travail), au champ d'action (l'atelier, le chantier) et à la finalité (étude, surveillance et amélioration des conditions de travail).

A l’intérieur des grandes entreprises, le personnel infirmier protège la santé des travailleurs par la dispense de soins et la réalisation de certaines actions, souvent en partenariat avec la médecine du travail.

B: LE PERSONNEL INFIRMIER

Les entreprises et établissements industriels doivent disposer au moins d’un infirmier ou d’une infirmière pour 200 à 800 salariés et, au dessus, d’un infirmier ou d’une infirmière supplémentaire par tranche de 600 salariés.

Dans les autres entreprises ou établissements, dans les offices publics et ministériels, les professions libérales…l’effectif du personnel infirmier doit être au moins d’un infirmier pour 500 à 1000 salariés et au-dessus, d’un infirmier supplémentaire par tranche de 1000 ;

Le personnel infirmier est recruté avec l’accord du médecin du travail. Il a pour mission d’assister ce dernier.

C : LES ORGANISATIONS DE PREMIER SECOURS

Dans les ateliers où sont effectués des travaux dangereux ainsi que dans les chantiers occupant 20 personnes au moins pendant plus de 15 jours et où sont effectués des travaux dangereux, un membre du personnel doit avoir reçu obligatoirement l’instruction nécessaire pour donner les premiers secours en cas d’urgence. Le médecin du travail est de même associé à cette formation.
.
Enfin de nombreux organismes extérieurs à l’entreprise régissent les règles en matière d’hygiène et de sécurité.

SECTION II LES AUTRES ACTEURS DE PREVENTION

D’autres acteurs de prévention interviennent également dans la protection de l’intégrité physique du travailleur. Il s’agit d’organes généraux qu’ils soient nationaux ou européens.

I. LES INSTITUTIONS NATIONALES

La prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles est placée sous la responsabilité d’un système dual : d'un côté les pouvoirs publics, de l'autre l'assurance sociale (gérée par les partenaires sociaux). C’est le ministère chargé du Travail qui est en charge de la politique publique nationale. Les organismes de Sécurité sociale définissent les mesures et les moyens à mettre en œuvre pour promouvoir la prévention dans les entreprises qui relèvent du régime général de la sécurité sociale

A. LES ACTEURS NATIONAUX

En France, la prévention des risques professionnels est placée sous la responsabilité des ministères chargés du Travail et de la Sécurité sociale.

C'est un système dual : d'un côté les pouvoirs publics, de l'autre l'assurance sociale.

1. le ministère chargé du Travail

C’est le ministère du travail, plus précisément la Direction des relations du Travail, qui est en charge de la politique publique nationale de prévention sur les lieux de travail : préparation, élaboration et application de la réglementation en ce domaine.
Le ministère chargé du Travail est assisté d’un organe consultatif, le Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels. Celui-ci réunit des représentants des pouvoirs publics, des représentants des salariés et des employeurs, ainsi que des personnes qualifiées. Il peut proposer toutes mesures en matière de prévention sur les lieux de travail, et est consulté sur tous les projets de lois ou de règlements qui touchent à la prévention des risques professionnels.

L’action de la Direction des relations du travail est relayée sur le terrain par les Directions régionales et départementales du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle et par l’Inspection médicale du travail. Au terme du Code du travail, les médecins régionaux inspecteurs du travail « exercent une action permanente en vue de la protection de la santé physique et mentale des travailleurs au lieu de travail et participent à la veille sanitaire au bénéfice des travailleurs ».

Les missions de surveillance et de contrôle, ainsi que d’information et de conseil, pour tout ce qui concerne l’application des dispositions législatives et réglementaires relatives aux conditions de travail, à la santé et la sécurité en milieu de travail, sont principalement assurées par l’Inspection du travail.

2. La Direction de la Sécurité sociale

Elle a pour rôle de fixer les règles de tarification et les modalités de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Elle participe, en liaison avec le ministère chargé du Travail, à l’élaboration de la politique de prévention. Elle s’appuie au niveau national sur la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés. Celle-ci définit les mesures et les moyens à mettre en œuvre pour promouvoir la prévention des risques professionnels dans les entreprises qui relèvent du régime général de la Sécurité sociale. Précisons qu’en matière de prévention des risques professionnels, les compétences de la CNAMTS sont exercées par la Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles commission paritaire composée de représentants des employeurs et des salariés.
Cette commission est assistée dans sa mission par des Comités techniques nationaux, constitués par professions ou groupes de profession. Composés de représentants des employeurs et des salariés, ces comités étudient les risques propres à leurs activités et font des propositions de recommandations techniques par branche d’activité.

Tandis que le ministère chargé du Travail et ses services mènent une action qui s’exprime essentiellement par voie réglementaire, les actions initiées par la CNAMTS s’articulent autour de recommandations pratiques, d’incitations financières, de contrôles, d’assistance technique et de conseils aux entreprises pour la mise en œuvre de mesures de prévention adaptées, ou de promotion de la formation et de l’information en matière de santé et de sécurité au travail.

L’action de la CNAMTS est relayée au niveau régional par 16 Caisses régionales d'assurance maladie et, pour les départements d’Outre-mer, par 4 Caisses générales de Sécurité sociale. Elles adaptent les orientations générales de la CNAMTS aux réalités régionales. Les agents des CRAM et CGSS, outre leur mission de contrôle, appuient et conseillent les entreprises sur les moyens techniques à mettre en œuvre pour prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Précisons que, de la même façon que la CATMP est assistée dans sa tâche par des CTR, des Comités techniques régionaux , organisés par professions ou par groupes de professions, assistent les CRAM et CGSS en matière de prévention des risques professionnels.

L'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles exerce ses activités au profit des salariés et des entreprises du régime général de la Sécurité sociale, selon des directives établies par la CNAMTS. Il apporte une aide technique : études et recherches, formation en matière de prévention, assistance technique et documentaire, information (journaux, affiches, brochures, audiovisuels, site web).

- l’importance de l’inspecteur du travail dans la protection de la santé des travailleurs
L'inspection du travail est un corps de contrôle organisé sur une base géographique. Chaque section comprend, en principe, un inspecteur assisté de contrôleurs du travail aux attributions globalement comparables. L'inspection bénéficie d'une indépendance (comparable à celle des magistrats) dans le traitement individuel des affaires et dont l'action s'inscrit pleinement dans la politique du ministère.

La fonction première de l'inspection du travail est de contrôler le respect des dispositions du droit du travail dans l'entreprise et - en premier lieu - de celles concernant la sécurité et les conditions de travail.

Pour cela, l'inspection du travail dispose de plusieurs moyens. Elle a le droit d'accès dans les entreprises. Elle peut se faire communiquer divers documents. Elle peut faire effectuer des mesures, des prélèvements aux fins d'analyse et diverses vérifications techniques. L'inspecteur du travail participe aux réunions du CHSCT.

Si elle constate des manquements à la réglementation, elle peut, selon le cas, rappeler ses obligations à l'employeur, le mettre en demeure de faire cesser les infractions, dresser procès-verbal (transmis à l'autorité judiciaire) ou, en cas d'urgence, saisir le juge des référés.

L'inspection a également la possibilité d'exercer des sanctions administratives efficaces. Elle peut faire cesser les travaux sur les chantiers si les protections contre certains risques graves (chutes, ensevelissements, expositions à l'amiante) ne sont pas suffisantes. Une possibilité d'arrêt d'activité comparable, en cas de risque chimique lui a été donnée, par la loi, en 2002.

Parallèlement, l'inspection du travail développe aussi une importante activité d'information et de conseil des salariés, de leurs représentants et des chefs d'entreprise.

L'inspection du travail, généraliste, bénéficie du concours de spécialistes. A la différence de la plupart des pays d'Europe, la France n'a pas confié le contrôle des règles de santé et de sécurité au travail à un corps technique spécialisé. Cette conception dite "généraliste" de l'inspection, vient du fait qu'il existe des relations très étroites entre le respect des règles de santé et de sécurité dans l'entreprise et le respect des autres règles de droit du travail (durée du travail, contrat de travail, représentation des personnel, etc…). Mais dès lors que les inspecteurs et contrôleurs du travail ne sont pas eux mêmes experts, ils doivent s'appuyer sur :
- les ingénieurs de prévention spécialisés dans les domaines techniques : chimie, ambiances physiques, électricité, mécanique… - les médecins inspecteurs du travail qui participent au contrôle de l'application de la réglementation en matière de médecine du travail et exercent une fonction de conseil sur les questions de santé en milieu de travail ;

L'activité de contrôle de l'inspection se partage entre :
- L'action quotidienne, spontanément organisée en fonction des circonstances et de la connaissance du terrain - L'action programmée dans le cadre des priorités définies nationalement et déclinées localement. Ces priorités, révisées annuellement, sont de deux types : des campagnes (actions courtes, ciblées, exemple : risques liés à la " vache folle - ESB ") ; des actions thématiques pluriannuelles (exemples : amiante, sous-traitance…).
L’inspection du travail permet de contrôler et de sanctionner le non respect des règles en matière de santé au travail.

B. LES AUTRES ORGANISMES D’ASSISTANCE EXISTANT

Il s’agit ici d’organismes spécialisé et indépendant des services étatiques.

1 L’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT)

(dépendant du ministère chargé du Travail). Elle a pour mission de contribuer au développement de recherches en matière d’amélioration des conditions de travail, de rassembler et de diffuser l’information dans ce domaine, et d’aider les entreprises en matière d’évaluation et de prévention des risques professionnels.
2 L’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux public(oppbtp)

. Il est placé sous le contrôle du ministère chargé du Travail. Il contribue à la prévention dans toutes les entreprises du secteur du BTP.

3.Eurogip,

groupement d’intérêt public constitué entre la CNAMTS et l’INRS, complète ce système : il coordonne, développe et anime des actions conduites au niveau européen, en particulier des travaux de normalisation.

Les partenaires sociaux et les professionnels font partie intégrante de ce système :

4 Les partenaires sociaux

assistent les pouvoirs publics, via le Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels. Ils gèrent la branche accidents du travail et maladie professionnelles via la Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles. Ils constituent le conseil d'administration de l'INRS.
Les professionnels (employeurs, salariés, fédérations ou syndicats professionnels) sont associés à l’élaboration des règles et des mesures qui les concernent : ils font partie du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels, et des Comités techniques nationaux et régionaux.

Signalons aussi le concours apporté par deux organismes plus techniques ou scientifiques :

5.L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.

C’est un établissement public industriel et commercial, placé sous la tutelle conjointe des ministres chargés de la Défense, de l'Environnement, de l'Industrie, de la Recherche et de la Santé. L'IRSN exerce une mission d’expertise et de recherche dans le domaine des risques liés aux rayonnements ionisants, d’origine naturelle ou utilisés en milieu industriel ou médical.
L’Institut de veille sanitaire. Il a pour rôle de surveiller, en permanence, l’état de santé de la population et son évolution : surveillance et investigations épidémiologiques, analyse et valorisation des connaissances sur les risques sanitaires, expertise. Il dispose d’un département Santé-Travail.

Il existe de nombreuses collaborations entre tous les organismes précédemment cités, qui jouent tous un rôle dans la prévention des risques professionnels en France.

Par ailleurs, la protection de l’intégrité physique des travailleurs passe aussi par des institutions européennes et internationales.

C. LES INSTITUTIONS EUROPENNE ET INTERNATIONALES

Ces institutions se développent de plus en plus depuis ces dernières années. Nous verrons donc les caractéristiques et les actions de certaines d’entre elles.

1.Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail

L'agence a pour mission de :

• Collecter et analyser les informations techniques, scientifiques et économiques relatives à la santé et la sécurité au travail dans les États membres et les diffuser auprès des instances communautaires, des autres États membres et des milieux intéressés;
• Collecter et analyser les informations techniques, scientifiques et économiques sur la recherche relative à la sécurité et à la santé au travail et diffuser les résultats de cette recherche ;
• promouvoir et soutenir la coopération et l'échange d'informations et d'expériences entre les États membres dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail, y compris l'information sur les programmes de formation;
• organiser des conférences et séminaires (par exemple la semaine européenne pour la sécurité et la santé au travail) ainsi que des échanges d'experts nationaux dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail;
• fournir aux instances communautaires et aux États membres les informations d'ordre technique, scientifique et économique objectives, nécessaires à la formulation et à la mise en oeuvre de politiques de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, judicieuses et efficaces;
• établir, en coopération avec les États membres, et coordonner un réseau d'information incluant les agences et organisations aux niveaux national, communautaire (Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail) et international qui fournissent ce type d'informations et de services;
• collecter et mettre à disposition les informations sur les questions de sécurité et de santé au travail en provenance et à destination des pays tiers et des organisations internationales: Organisation mondiale de la santé (OMS), Organisation internationale du travail (OIT), Organisation panaméricaine de la santé (OPS), Organisation maritime internationale (OMI) etc.;
• fournir des informations techniques, scientifiques et économiques sur les méthodes et outils destinés à mettre en place des activités préventives, (en particulier dans le secteur des petites et moyennes entreprises) et recenser les bonnes pratiques;
• contribuer au développement des stratégies et des programmes d'action communautaires relatifs à la promotion de la sécurité et de la santé au travail, sans préjudice des compétences de la Commission ;
• veiller à ce que les informations diffusées soient compréhensibles pour les utilisateurs finaux.
L'Agence collabore le plus étroitement possible avec les instituts, fondations, organismes spécialisés et programmes qui existent au niveau communautaire pour éviter tout double emploi. L'Agence collabore notamment avec la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail.
L'Agence doit établir un réseau comprenant :
• les principaux éléments composant les réseaux nationaux d'information, y compris les organisations nationales des partenaires sociaux conformément à la législation nationale;
• les centres thématiques européens.
Les États membres informent régulièrement l'Agence des principaux éléments qui composent leurs réseaux nationaux d'information en matière de sécurité et de santé au travail. Les autorités nationales compétentes assurent la coordination et la transmission des informations à fournir à l'Agence au niveau national.

Le Conseil de direction détermine les objectifs stratégiques de l'Agence. Il adopte en particulier le budget, le programme glissant quadriennal et le programme de travail annuel de l'Agence sur la base d'un projet préparé par le directeur, après consultation de la Commission et du Comité consultatif pour la sécurité, l'hygiène et la protection de la santé sur le lieu de travail. Le Conseil de direction adopte, au plus tard le 31 janvier de chaque année, un rapport annuel général sur les activités de l'Agence.

2.La fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail

Cet organisme s’occupe plus particulièrement des questions relatives aux :
conditions de l’homme au travail ; l’organisation du travail, et notamment de la conception des postes de travail ;les problèmes spécifiques à certaines catégorie de travailleurs ; les aspects à long terme de l’amélioration de l’environnement ; la réparation dans l’espace des activités humaines et de leur distribution dans le temps.

La fondation favorise l’échange d’informations et d’expériences en ces domaines et met en place, si besoin est, un système d’information et de documentation. Elle peut notamment faciliter les contacts entre les universités, les institutions d’étude et de recherche, les administrations et les organisations de la vie économique et sociale et encourager des actions concertées.

Tous ces organismes tentent donc de protéger au maximum l’intégrité physique des salariés.
Des normes européennes et internationales se mettent en place.



CONCLUSION :

En définitive, à la question de savoir si les dispositions du code du travail permettent d’assurer une protection suffisante de l’intégrité physique du travailleur ; on peut répondre que en théorie la réponse est positive.
Néanmoins, l’écart existant entre la théorie et la pratique démontre que le travailleur français n’est toujours pas suffisamment protégé surtout les travailleurs précaires qui subissent une sorte de traitement discriminatoire en matière de protection de leur santé et de leur sécurité.
D’autre part, on peut continuer de s’interroger sur l’existence de l’obligation de sécurité du salarié qui pour nous est incertaine compte tenu de sa dépendance à celle de l’employeur.

On pourrait donc imaginer un système plus proche de la réalité qui fait intervenir sur le terrain les organismes compétents à une protection effective du salarié et de son intégrité car il est évident et indiscutable que ce n’est le bureau d’un législateur que va permettre au salarié d’être protéger efficacement….


Auteur : Julie VALLEZ, élève Avocate.
(*)Avis juridique important.